Patrimoine

La villa Charles Schacher

A Meudon, la villa Schacher dans l’ombre d’un projet immobilier

Par Sindbad Hammache · lejournaldesarts.fr

Le 17 mai 2021 - 605 mots

MEUDON

La villa Napoléon III est amputée de son jardin et de plusieurs éléments patrimoniaux au bénéfice d’un programme immobilier.

Villa Charles Schacher à Meudon. © Meudonnais, 2021, CC BY-SA 4.0
La Villa Charles Schacher à Meudon.
Photo Meudonnais, 2021

Quelques mètres en retrait de l’avenue du château, la villa Charles Schacher est un témoignage exceptionnel des riches demeures d’industriels construites à Meudon sous Napoléon III. Depuis la rue, sa façade frappe par la richesse de la modénature, chargées de reliefs décoratifs éclectiques. Côté jardin, on découvre un ensemble patrimonial qui a gardé toute sa cohérence, avec une fontaine, une grotte, et trois arbres (un séquoia et deux cèdres) plantés à la construction de la demeure. La préservation de cet ensemble patrimonial est désormais compromise : séparé en deux lots, le terrain de la villa doit accueillir un projet immobilier constitué de quatre immeubles.

L’absence de protection au titre des Monuments historiques sur cet édifice autorise le démembrement de l’ensemble patrimonial et la modification visuelle de ses abords : avec une hauteur entre 6 et 9 mètres, les nouveaux immeubles boucheront la vue sur la villa depuis l’avenue Marcellin Berthelot. Des voisins courroucés par ce nouveau paysage, ainsi que quatre associations de défense du patrimoine s’opposent au permis de construire, délivré en décembre 2020 : cinq recours gracieux ont été déposés sans succès, auxquels suivront bientôt un recours devant le Tribunal administratif.

« C’est un bâtiment exemplaire de la fièvre ornemaniste un peu "m’as-tu-vu" des nouvelles élites du second empire » explique François de Vergnette, professeur d’histoire de l’art à l’université Lyon III et habitant de Meudon. Mal connu, cet ensemble recèle nombre d’éléments patrimoniaux originaux qui plaident pour sa préservation, comme les grès en gogotte, récemment redécouvert par l’historien de l’art dans la grotte du jardin.

Le sort de la villa inquiète aussi Stéphane Bern, qui a visité le site début mai à l’invitation des associations de défense du patrimoine. « C’est l’argent contre le patrimoine, résumait alors l’animateur, sauf que c’est de l’argent à court terme. Sur le temps long, je miserai davantage sur le patrimoine. » S’il assurait alors avoir alerté les services du ministère de la Culture sur ce dossier, Stéphane Bern a pointé que « le temps de l’État n’est pas celui des promoteurs. »

Invité surprise de cette visite, le maire de Meudon Denis Larghero (UDI) s’est frotté à un accueil glacial des défenseurs du patrimoine. « Je ne défends pas un projet immobilier, je suis là pour échanger avec vous, voir si un projet alternatif émerge », a-t-il tempéré. Pour sa défense, l’édile invoque une protection de la villa dans le PLU de la ville, au titre de l’article 151-19 du code de l'urbanisme. Cette protection légère interdit la destruction des bâtiments listés, et autorise démolitions partielles et extensions à la condition d’un respect de l’harmonie architecturale. Bien en deçà d’une protection Monument Historique, qui veille à minimiser l’impact visuel des nouvelles constructions sur l’édifice protégé, et permet de conserver des ensembles patrimoniaux cohérent au-delà du bâti.

Au XXe siècle, la villa est devenue la maison-atelier d’Albert de Jaeger, sculpteur médailler, et grand prix de Rome, dont les œuvres occupent encore le jardin. Pour les associations meudonnaises, c’est l’occasion idéale d’en faire un centre culturel autour de la sculpture. « Il y a encore toutes les machines du graveur de médaille dans la villa, rappelle François de Vergnette. Je rêverais d’une destination publique pour ce bâtiment, même si la période n’est pas propice ». A la tête du combat contre le projet immobilier, l’historien de l’art milite pour le classement de la villa, et espère encore l’annulation du permis de construire. Vendu 2,5 millions d’euros par les héritiers de Jaeger, le terrain constructible devra être rentabilisé d’une manière ou d’une autre. Son nouveau propriétaire pourrait acquérir prochainement la villa elle-même.
 

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