Musée

MUSÉE DE SITE

Bientôt un musée des prisonniers de guerre

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 10 mai 2024 - 610 mots

La Fondation W. J. Kennedy projette d’implanter un musée près de l’ancien site du camp de Foucarville, où furent détenus près de 100 000 prisonniers allemands entre 1944 et 1946.

Paris. Aujourd’hui ce sont 83 hectares de champs qui se fondent dans le bocage normand. Mais de 1944 à 1946, 60 000 prisonniers allemands pouvaient vivre simultanément dans le camp de Foucarville (Manche) : une véritable ville dont l’existence éphémère n’a pas laissé de trace dans le paysage. Cette mémoire occultée va bientôt refaire surface à quelques mètres de l’ancien camp de prisonniers, sous la forme d’un musée de site. Porté par une fondation privée, soutenu par la région Normandie, ce futur musée consacré aux prisonniers de guerre fait l’objet d’un concours architectural dont le lauréat sera dévoilé à l’automne.

À l’origine de ce nouveau musée, il y a la découverte fortuite des archives complètes du camp de Foucarville dans une cantinière appartenant au lieutenant-colonel Kennedy. La fille du militaire américain, administrateur du camp, met au jour ce trésor historique peu après le décès du colonel, et contacte aussitôt la commune de Foucarville. La Fondation Warren J. Kennedy, hébergée par la Fondation Mérimée, reconnue d’utilité publique, est créée en 2021 pour gérer et valoriser ces archives, lesquelles font l’objet d’une étude suivie d’une publication menée par l’historienne amateur Anne Broilliard. Des expositions à Foucarville puis à l’Airborne Museum (Sainte-Mère-Église) et au mémorial d’Utah Beach (Sainte-Marie-du-Mont) avaient porté en 2016-2017 ce sujet méconnu à la connaissance du public.

La captivité des soldats en temps de guerre

La fondation a acquis des parcelles près de l’ancien camp, dans l’objectif de la création d’un espace muséal à l’horizon 2027. Centré sur l’expérience de Foucarville dans un premier temps, ce projet culturel s’étend à la question plus générale des prisonniers de guerre sous l’impulsion de l’historien Fabien Théofilakis, spécialiste de la captivité en temps de guerre. La maîtrise d’ouvrage du projet muséal est déléguée à l’agence de programmation Kantara, qui en imagine le parcours avec une première séquence consacrée à Foucarville, une seconde à ses équivalents britanniques et soviétiques, puis une salle d’exposition temporaire où l’histoire pourra faire écho à des sujets d’actualité.

« Le colonel Kennedy a souhaité faire de ce camp un projet de rééducation, par la culture, le sport, la formation, et pas seulement un lieu de transit », explique Yasmina Barbé Boudhar, programmiste et cofondatrice de Kantara. C’est un sujet passionnant, et qui résonne pour les visiteurs allemands. « Nous avons eu l’occasion de présenter le projet à l’ambassadeur d’Allemagne, qui a été touché car son père était lui-même prisonnier du camp. » L’expérience de « déradicalisation », menée à Foucarville auprès de prisonniers de guerre parfois très jeunes, est à même d’intéresser un public allemand de plus en plus nombreux sur les lieux de mémoire normands. « On identifie un nouveau tourisme allemand de mémoire depuis quelques années, mais on n’a pas grand-chose d’autre à leur présenter qu’un visage nazi de l’Allemagne, » indique Yasmina Barbé Boudhar.

Un réseau des mémoriaux et des conflits contemporains

Un travail de collecte auprès des anciens prisonniers allemands est en cours pour enrichir le parcours du futur musée, qui se déploiera également sous la forme d’un aménagement paysager sur l’ancien emplacement du camp. Le budget prévisionnel de 7 millions d’euros est financé par la Région Normandie, qui y voit un atout dans son projet d’inscription de sites mémoriels au patrimoine de l’humanité, mais aussi par le Département, et à hauteur de 20 % par le mécénat américain et allemand. La direction de la Mémoire, de la Culture et des Archives du ministère des Armées apporte son soutien à ce projet, qu’elle souhaite intégrer au réseau des musées et mémoriaux des conflits contemporains.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°633 du 10 mai 2024, avec le titre suivant : Bientôt un musée des prisonniers de guerre

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