Fiscalité - Galerie

Directive européenne sur la TVA

Lukasz Stankiewicz : « La directive européenne sur la TVA est intéressante pour les marchands »

Professeur agrégé de droit public

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 17 mars 2023 - 816 mots

L’universitaire fiscaliste montre que la généralisation du taux réduit de TVA s’avère plus profitable aux galeries et antiquaires que la situation actuelle.

Lukasz Stankiewicz. © DR
Lukasz Stankiewicz.
© DR

France. Après un lobbying actif à la suite d’une directive européenne sur la TVA, les galeries ont obtenu du gouvernement un groupe de travail pour adapter au mieux cette directive dans le droit français. Le professeur Lukasz Stankiewicz de l’Université Jean-Moulin Lyon III, directeur du Centre d’études et de recherches financières et fiscales (CERFF), démontre qu’au final les marchands d’art vont gagner au change.

Selon la perspective d’un marchand d’art, quelle est la fiscalité actuelle sur les transactions d’œuvres d’art ?

Comme de nombreux produits, la TVA sur les objets d’art est par défaut de 20 %. Par exception, la TVA à l’importation ou sur les achats aux artistes est de 5,5 %. Particularité autorisée jusqu’alors par la directive TVA de 2006, il est possible, sur option, de calculer la TVA due de 20 % non pas sur le prix de vente mais sur la marge, également dans le cas où l’œuvre a été importée ou acquise à un artiste et non seulement en cas d’acquisition à un particulier non assujetti à la TVA.

Que dit précisément la directive européenne d’avril 2022 ?

Précisons que c’est une directive générale sur les taux réduits de TVA dans l’Union européenne et qu’elle ne cible pas spécifiquement le marché de l’art. Cette directive, qui modifie la directive TVA de 2006, donne plus de souplesse aux États en élargissant les opérations qui peuvent bénéficier du taux réduit de TVA (soit en France 5,5 % ou 10 %). S’agissant du marché de l’art, elle ne limite plus le taux réduit aux seules importations ou aux achats à des artistes, mais l’élargit à toutes les opérations, ce qui est un avantage dont la France doit encore se saisir car la directive autorise les taux réduits, mais ne les impose pas. En revanche, la directive ne permet plus de combiner taux réduit sur les achats et calcul de la TVA sur la marge. Et c’est cela qui pose problème. Mais c’est un faux problème, car la solution existe et elle ne dépend que de la France.

Pourquoi ?

D’abord rappelons qu’une directive doit être transposée dans le droit national. En l’espèce, le gouvernement français va transposer cette directive dans le projet de loi de finances 2024 qui sera discuté au Parlement à l’automne prochain. C’est un faux problème car la directive laisse trois possibilités à la France. Le gouvernement a d’ailleurs annoncé qu’il travaillait sur deux possibilités. Le scénario 1 qui consiste à appliquer le taux réduit de TVA à l’achat et le taux normal de TVA sur le produit de la vente (et non pas la marge) n’est pas du tout intéressant. Cela suppose que les taux réduits actuels ne changent pas. Il faut souligner que même en l’absence de généralisation du taux réduit à toutes les opérations sur les œuvres d’art, la directive d’avril 2022 autorisera toujours la France à maintenir le taux réduit de TVA à l’importation, mais c’est moins sûr pour le taux réduit sur les livraisons directes des artistes. La France peut soit continuer à appliquer le régime de la marge à la suite d’une importation ou d’un achat à des artistes (scénario 3 mais qui suppose d’abandonner les taux réduits, ce qui serait une aberration, surtout pour la TVA à l’importation, et qui n’apporte rien de plus au scénario 1), soit généraliser le taux à 5,5 % qui s’appliquerait alors tant à l’achat qu’à la vente (scénario 2). Or cette dernière possibilité est beaucoup plus intéressante pour les marchands que la situation actuelle (voir tableau ci-dessous). Le régime de la marge, qui ne serait techniquement pas abrogé, perdrait de son intérêt, y compris en cas d’acquisition à des particuliers, et ne serait probablement plus utilisé en pratique (sauf peut-être en ce qui concerne la marge forfaitaire). Je ne doute pas que, compte tenu des enjeux pour le marché de l’art et de l’impact limité sur les finances publiques, le gouvernement n’opte pour cette option.

Les 3 scénarios concernant la revente d’œuvres d’art par un marchand, consécutive à une importation ou un achat à un artiste
Montants en eurosSituation actuelleScénario 1Scénario 2Scénario 3
Achat HT1 0001 0001 0001 000
Taux TVA achat5,5 %5,5 %5,5 %20 %
Achat TTC1 0551 0551 0551 200
TVA déductible055550
Revente TTC1 5001 5001 5001 500
TVA 20 % due sur la marge74*  50
TVA 20 % due sur le prix de vente 250  
TVA 5 % sur le prix de vente  78 
TVA nette due741952350
Marge nette du marchand351250422250
(*) Marge brute : (1500-1055) / 20 %

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°607 du 17 mars 2023, avec le titre suivant : Lukasz Stankiewicz, professeur agrégé de droit public : « La directive européenne est intéressante pour les marchands »

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque