Les nommés du prix Duchamp

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 4 octobre 2011 - 1005 mots

Dans le cadre de la Fiac, la onzième édition du prix Marcel Duchamp expose ses quatre candidats aux pratiques diverses. Le nom du lauréat sera dévoilé le 22 octobre. Qui succédera à Cyprien Gaillard, vainqueur 2010 ?

MIRCEA CANTOR

Vidéo - Très soutenu en France – il remporta notamment le prix de la Fondation d’entreprise Ricard en 2004 –, l’artiste roumain Mircea Cantor (né en 1977) s’est imposé sur la scène artistique internationale grâce à un vocabulaire plastique multiforme généralement empreint de finesse. En quête des pulsations du monde, il aborde des sujets aussi divers que les libertés individuelles, la possibilité de s’exprimer, les effets – tant positifs que négatifs – de la globalisation ou les dérives sécuritaires. Sa force tient dans une manière sensible de traiter ces sujets profonds sans jamais verser dans la dénonciation primaire et/ou bruitiste, trop souvent stérile. Sans prétendre avoir une dimension politique, son œuvre l’est pourtant intrinsèquement qui, souvent, tout en délicatesse mais avec précision, appelle à la vigilance.

Certains de ces films, parfois, paraissent relater des actes dérisoires, tel Vertical Attempt (2009) qui devrait figurer dans sa sélection de travaux pour le prix Marcel Duchamp. Assis au bord d’un évier, un enfant tente de couper le filet d’eau s’écoulant du robinet avec une paire de ciseaux. Construits de manière à toujours laisser une large part à l’imagination du spectateur, ses œuvres tendent à conduire ce dernier vers le développement d’une perception créative de ce qui l’entoure ou l’interpelle. Face aux dérives du monde, Mircea Cantor entrouvre la porte des possibles, laissant s’échapper une poésie radicale, mais néanmoins subtile.

SAMUEL ROUSSEAU

Vidéo - Dans l’œuvre de Samuel Rousseau (né en 1971), c’est souvent la ville qui intervient en premier lieu, ou plus précisément l’architecture comme symbole voire instrument du pouvoir, et les effets produits par son agglomération. Conscient de la standardisation croissante et toujours plus prégnante imposée aux individus par la société urbaine, l’artiste s’intéresse, dans son travail, à la réaction possible, à l’individualité humaine comme rempart à l’uniformisation imposée par le modèle social dominant – ce qu’il nomme « le syndrome de la salle d’attente ». « La ville est tellement faite pour tout le monde qu’elle n’est en réalité faite pour personne », assène-t-il.

Adepte de la pratique vidéo, des logiciels, des algorithmes et des calculs pouvant tourner des heures sur son ordinateur, il combine depuis toujours les images obtenues avec des objets, donnant naissance à de curieuses compositions hybrides et bien souvent animées, parfois ludiques ou inquiétantes. Pour le prix Marcel Duchamp, Samuel Rousseau proposera une nouvelle installation vidéo basée sur de récentes recherches menées au cours d’une résidence à New York. Pendant plusieurs mois, il a sillonné les rues de la ville, appareil photo en main, afin de capturer des identités et des entités, des individus et des environnements, du micro et du macro. Par-delà l’aspect fantasmagorique de la cité et à travers la densité et l’immensité, le but de l’artiste est de parvenir à donner à voir des singularités… et des identités.

DAMIEN CABANES

Sculpture - Chez Damien Cabanes (né en 1959), la peinture est avant tout une affaire de liens et de tensions entre des protagonistes le plus souvent définis plus par la couleur que par le trait lui-même. Si elle sert à nuancer ou différencier les composantes du motif, la chromie n’en est pas moins essentielle en ce qu’elle génère souvent un lieu, un espace et un contexte faits d’une superposition de plans colorés. Ce rapport étroit entretenu avec la couleur a conduit l’artiste à diversifier sa pratique et à se diriger vers la sculpture, cherchant par là à rompre avec l’idée reçue d’une couleur trop souvent perçue comme composante première du tableau, mais plus rarement du volume sculptural.

C’est cette réflexion que Damien Cabanes a choisi de privilégier pour le prix Marcel Duchamp, avec l’élaboration d’une toute nouvelle et vaste série de personnages polychromes en terre. Motif premier de son travail pictural, le corps, bousculé, repensé, imaginé, occupe ici aussi le volume dans son entier. Obtenues par agrégations de couches d’argile successives, fruits d’un façonnage irrégulier et d’une complète liberté formelle prise au regard des canons de ce qui serait une représentation idéale, les sculptures de Damien Cabanes, tout comme ses tableaux, trouvent dans l’élément chromatique une donnée fondamentale agissant comme un révélateur qui devient spatial, en plus d’être formel. Ce, dans la mesure où la chromie permet de jouer avec la perception des volumes mais aussi de leur masse… et in fine de leur présence.

GUILLAUME LEBLON

Entre sculpture et architecture, Guillaume Leblon (né en 1971) s’ingénie depuis toujours à brouiller les limites, les frontières, non seulement des disciplines, mais surtout des habitudes formelles. Son intérêt porté aux questions d’échelles, remettant en cause les modèles tant physiques que perceptifs à travers une manière propre d’en jouer, lui permet de lutter contre les hiérarchisations établies, et par là même de remettre en cause des modes de lecture trop aisés. L’usage des matériaux n’échappe pas non plus à la sagacité de l’artiste, qui souvent semblent œuvrer eux-mêmes en contradiction avec leur finalité propre.

Au cours de l’été 2011, lors d’une invitation à l’exposition « The Great Poor Farm Experiment III » à Manawa (Wisconsin), Leblon a poussé ses expérimentations jusqu’à envisager une union contre-nature de la terre et du béton, moulés ensemble. Le résultat en fut des sortes de monolithes, ambivalents car résultant d’une sorte de fusion contrariée, de mélange qui s’amorce sans toutefois s’opérer complètement mais ayant belle allure. Plus occupé à analyser les réactions et transformations issues de ce rapprochement contradictoire plutôt que de tenter d’opérer une improbable synthèse, l’artiste s’est intéressé tant à la réaction visuelle et matérielle née de ce processus qu’à l’élaboration « naturelle » d’une sorte de ligne de démarcation. Occupé à ces expérimentations, Guillaume Leblon travaille actuellement à des rencontres entre le sable et le laiton, dont le résultat devrait être dévoilé pour l’exposition du prix Marcel Duchamp

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°354 du 7 octobre 2011, avec le titre suivant : Les nommés du prix Duchamp

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