Une statue illégale de l’empereur serbe Dusan provoque la communauté albanaise de Skopje

Par Julien Rocha · lejournaldesarts.fr

Le 20 décembre 2013 - 503 mots

SKOPJE (ARYM) [02.01.14] – Une statue en bronze de l’empereur serbe du XIVe siècle Stefan Uros IV Dusan, érigée mystérieusement dans l’espace urbain de Skopje, a été vandalisée par la communauté albanaise qui ressent le monument comme une provocation politique. L’empereur serbe avait annexé de nombreuses régions à majorité albanaise.

L’installation à Skopje, sur le Pont des civilisations face au nouveau Musée archéologique, d’une statue en bronze de l’empereur serbe Stefan Uros IV Dusan, régnant dans la première moitié du XIVe siècle, a ravivé les tensions opposant la communauté albanaise à la communauté serbe qui composent la nouvelle nation macédonienne.

L’empereur, issu de la dynastie serbe Nemanjic fondée en 1166, avait profondément étendu le royaume de son père en devenant maître de la majorité de la péninsule balkanique, en annexant pour cela de nombreuses régions dominées par les communautés albanaises comme l’antique Epire. Dans la nuit du 6 au 7 décembre 2013, la statue de Dusan a été vandalisée par un groupe de personnes masquées qui auraient enlevé la croix et le sceptre du personnage, puis tenté de recouvrir la statue d’un voile avant que la police n’intervienne.

Selon le site France 24 qui rapporte l’information, les médias albanais du pays évoquent la présence de ministres et de hauts responsables du parti albanais DUI parmi les activistes. Suad Marsini, un Albanais qui dirige à Skopje le Centre de recherches sur la société civile, une ONG de défense des droits de l’homme, confirme « l’image négative dans notre communauté » de l’empereur Dusan. Toutefois selon lui, la tension provoquée par la statue est imputable aux deux partis du gouvernement macédonien, qui « n’a rien fait pour expliquer aux citoyens l’importance que pouvait avoir Dusan dans l’histoire de Skopje ». Le souverain avait en effet fait de la ville la capitale de son empire. Il pense en réalité que ce vandalisme, qui s’inscrit dans une suite de tensions croissantes entre les deux communautés depuis quelques mois, doit être mis en relation avec le contexte d’élections « pour détourner l’attention d’autres problèmes, notamment économiques. (…) Les routes et les chemins de fer sont dans un état déplorable et 31 % des Macédoniens sont au chômage. »

La statue de Dusan fait partie d’un groupe de huit monuments érigés dans la ville depuis la nuit du 29 novembre 2013, représentant des hommes d’Etat ayant, au cours de l’Histoire, marqué de leur empreinte l’ancienne Yougoslavie et la région balkanique. Le maréchal Tito figure parmi eux : son effigie a été la première à être érigée à l’initiative de l’Union des forces de gauche pour commémorer le 70e anniversaire de la Yougoslavie. Or, elle ne faisait pas partie du programme de 29 statues validées en 2010 par le conseil municipal dans le cadre de « Skopje 2014 » , le programme de revalorisation de la ville en partie détruite par un tremblement de terre en 1963. Curieusement les commanditaires des autres monuments, dont celui de Dusan, demeurent inconnus : aucun des maîtres d’ouvrage du programme ne les a revendiqués.

Légende photo

Le Vardar et le Pont de pierre, symbole de la ville - Skopje - © Photo Raso - 2012 - Licence CC BY-SA 3.0

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