Une municipalité du Grand Londres veut mettre en vente une sculpture d’Henry Moore

Par Romain Bouvet · lejournaldesarts.fr

Le 6 novembre 2012 - 700 mots

LONDRES (ROYAUME-UNI) [06.11.12] – La réduction drastique de son budget pousse la municipalité de Tower Hamlets à vendre une sculpture d’Henry Moore en sa possession. La fille du sculpteur et de nombreuses personnalités du monde de la culture s’opposent au projet.

En 1962, le sculpteur britannique Henry Moore vend à la ville de Londres Draped Seated Woman (surnommée Old Flo), une sculpture en bronze de 3 mètres de hauteur. Issu d’un milieu modeste et socialiste convaincu, Moore cède l’œuvre pour 6 000 livres sterling (un prix très inférieur à sa valeur) dans l’espoir que celle-ci soit exposée dans les quartiers défavorisés de la capitale. Ainsi, la sculpture se dressera pendant quelques décennies sur une place de Stepney (district de Tower Hamlets) jusqu’en 1997, date à laquelle l’espace où elle trône est réaménagé. Privée d’espace d’exposition et par crainte qu’on la vandalise, la sculpture est déplacée « temporairement » et quitte ensuite la région de Londres, pour être installée au Yorkshire Sculpture Park (West Yorkshire), où elle est encore exposée aujourd’hui.

50 ans après son achat, Lutfur Rahman, maire de la municipalité londonienne de Tower Hamlets a récemment annoncé son intention de mettre en vente Draped Seated Woman. Dans le contexte actuel de crise, le conseil municipal de Tower Hamlets - une des municipalités les plus pauvres du Grand Londres - doit composer avec une réduction de 100 millions de livres de son budget sur les trois prochaines années. Pour Lutfur Rahman, la vente de cette sculpture, estimée à 20 millions de livres pourrait permettre de diminuer quelque peu l’impact d’une coupe budgétaire de cette importance. Le principal argument des élus de Tower Hamlets reste cependant le coût trop important que génère l’assurance de la sculpture de bronze, qui pourrait être une potentielle cible pour les voleurs de métaux, très actifs ces dernières années.

La décision du conseil municipal est cependant loin de faire l’unanimité. Dans une lettre ouverte publiée par l’Observer, Mary Moore, la fille du défunt sculpteur, s’élève contre la vente de la statue qui va, selon elle, à l’encontre de la vision de son père concernant le devenir de l’œuvre. Henry Moore s’était réjoui de l’installation de sa sculpture dans les quartiers pauvres de l’East London. Son exposition à Stepney était pour lui une démonstration de « cette croyance d’après guerre selon laquelle chacun, quelle que soit son origine devait avoir accès à des œuvres d’art de grande qualité » précise la lettre de Mary Moore. Cette contestation est d’ailleurs partagée par plusieurs personnalités, à commencer par Nicholas Serota, le directeur de la Tate ainsi que Richard Calvocoressi, directeur de la Henry Moore Foundation et Peter Murray, directeur du Yorkshire Sculpture Park.

Si les opposants comprennent la situation financière difficile qui pousse la municipalité à agir, ils soulignent néanmoins le fait que la vente n’est pas la meilleure solution. Plusieurs propositions ont été avancées pour sauvegarder l’œuvre, comme l’installer dans le parc olympique (dont une partie se situe dans l’East London). De même, la sculpture aurait pu rejoindre les nombreuses œuvres qui décorent déjà le Canary Wharf, quartier d’affaires de Londres également situé à Towers Hamlets. Enfin, le Queen Mary College, établi à Tower Hamlets a également proposé un espace où la sculpture pourrait être exposée en libre accès, ajouté à 2000 livres sterling destinées à la mise en place d’un dispositif de sécurité approprié. Chacune de ces propositions a cependant été contestée, sur le motif que le financement nécessaire à leur réalisation ferait défaut.

Pour Josh Peck, membre du parti travailliste et opposé à la décision du conseil municipal, la vente d’Old Flo est uniquement motivée par l’espoir de combler une partie du déficit du budget alloué à Tower Hamlets. Quelques années plus tôt, Lutfur Rahman, alors membre du conseil, avait déjà tenté de mettre en vente la sculpture.

Si la vente a finalement lieu, la sculpture de Moore pourrait quitter définitivement son sol natal. Elle pourrait également devenir une source de déception : le Guardian rapporte en effet que certains experts restent sceptiques face aux 20 millions de livres sterling annoncés, qui constitueraient un record pour une œuvre de Moore. Selon eux, la valeur actuelle de Draped Seated Woman serait plutôt de l’ordre de 5 millions de livres.

Légende photo

Portrait d'Henry Moore - © Photo Lothar Wolleh - 2006 - Licence CC BY-SA 3.0 

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