Disparition de l’écrivain et critique d’art Alain Jouffroy

Par Jean-Christophe Castelain · lejournaldesarts.fr

Le 22 décembre 2015 - 698 mots

PARIS [22.12.15] – Le poète, critique d’art et commissaire d’exposition Alain Jouffroy est décédé dimanche 20 décembre 2015 à l’âge de 87 ans. Il avait donné l’un de ses premiers articles à L’ŒIL en octobre 1955.

Alain Jouffroy appartient à ces figures littéraires et éditoriales engagée, témoin précieux de la seconde moitié du XXe siècle. Il est décédé à l’âge de 87 ans à Paris.

« Un soit d’août 1947, à Huelgoat (Finistère), de retour d’un ancien puits de mine abandonnée, André Breton revint au Grand Hôtel d’Angleterre, chargé d’une sacoche pleine de cristaux de roche qu’il avait ramassés lors de sa promenade. Il me les montra. C’était mon premier contact personnel avec lui », écrivait Alain Jouffroy dans son premier article dans L’ŒIL en octobre 1955. Cette première rencontre fut déterminante pour le jeune écrivain et poète Alain Jouffroy, alors âgé de 19 ans. Il restera toujours très proche du groupe Surréaliste, même après en avoir été exclu en 1948. C’est d’ailleurs grâce à sa proximité avec André Breton, que les lecteurs de L’ŒIL furent parmi les premiers à découvrir la collection d’art du fondateur du mouvement.

Il fait la connaissance de Max Ernst et se lie d’amitié avec Victor Brauner à qui il a consacré plusieurs ouvrages, et Roberto Matta. Plus tard il devient également proche de Marcel Duchamp. C’est à l’occasion d’un séjour aux Etats-Unis en 1960, qu’il fait la connaissance de Rauschenberg et Warhol. Il est l’un des introducteurs du Pop Art à Paris.

Comme de nombreuses figures intellectuelles de son époque, il a été associé à de nombreux combats politiques. En 1960 et 1961, il participe une manifestation itinérante organisée par Jean-Jacques Lebel protestant contre la guerre d’Algérie. En Mai 1968, il cofonde L’Union des Ecrivains, déclarant lors d’une conférence pendant les « évènements » et après avoir rappelé ses « trois voyages successifs à Cuba depuis 1963 » : « je n’ai pas cessé de croire, depuis un an et demi, à la mise en œuvre d’une espèce de guérilla culturelle, où les étudiants et les intellectuels avaient un rôle très particulier et très nouveau à jouer. Cette idéologie bourgeoise qui a été attaquée de front par Breton, par Artaud et quelques autres, il s’agit maintenant de la détruire de fond en comble ». Un discours critique sur la société, cependant moins virulent 30 ans plus tard, comme en témoigne un entretien dans Le Journal des Arts : « Les artistes doivent se défendre en retournant les armes de l’adversaire. Dans notre monde, les lois sont dictées par les entreprises. Il faut se réapproprier le système, quitte à produire des images qui ne soient pas conformes à l’idéologie de l’entreprise ; c’est une contradiction nécessaire ».

De l’écriture à l’édition, il n’y a qu’un pas. Il dirige de 1974 à 1981 la revue d’avant-garde « XXe siècle ».

Par la suite, ses pas le mènent vers le Japon, pays dans lequel il participe à plusieurs conférences. Il y organise en 1982 une exposition intitulée « Figurations révolutionnaires: de Cézanne à aujourd'hui ». L’année suivante, il est nommé conseiller culturel de l’Ambassade de France à Tokyo pour une durée de 2 ans.

Outre Victor Brauner, il a écrit de nombreuses monographies d’artistes ou rédigé des textes pour des catalogues d’expositions. Son attachement à la peinture reste fort : « La peinture est loin d’être éteinte ; plus on parle de sa mort, plus elle est virulente. Encore faut-il savoir la voir, et la vue comme l’écoute se désapprend ; les médias y sont pour quelque chose », disait-il au Journal des Arts. Toutes ses archives littéraires de 1951 à 2000 ont été versées à l’Institut Mémoire de l’Edition Contemporaine (IMEC) en 1993 tandis qu’une partie de ses archives sur la critique d’art ont été versées aux Archives de Rennes par son ancien assistant Lucas Hees, aujourd’hui directeur des Editions Enigmatiques.

Programmé depuis longtemps, l’exposition « Passeurs » qui ouvrira au Centre Pompidou le 16 janvier prochain donnera à voir certaines publications d’Alain Jouffroy. Cette exposition-dossier au sein des collections d’art moderne met la lumière sur les critiques d’art.

Les obsèques d’Alain Jouffroy auront lieu au cimetière du Père-Lachaise le lundi 28 décembre à 11h.

La première fois - Alain Jouffroy


Légende Photo :
Gérard Fromanger, Alain Jouffroy © Gérard Fromanger
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