Rubens par lui-même

L'ŒIL

Le 1 mars 2004 - 1101 mots

Portrait en pointillé réalisé par Arnauld Brejon de Lavergnée à partir de citations extraites de la correspondance retraduite par Paul Colin et publiée en 1927.

 ......Sur sa vie
« J’ai décidé de me remarier car je ne me trouvais pas encore mûr pour la continence et le célibat… J’ai pris une femme jeune, de parents honnêtes mais bourgeois bien qu’on eût cherché… à me persuader de faire mon choix à la Cour ; je désirais une femme qui ne rougirait pas en me voyant prendre mes pinceaux ; pour tout dire, j’aime trop la liberté et j’aurais trouvé trop dur de la perdre en échange des baisers d’une vieille femme… J’ai des enfants de mon nouveau mariage et j’ajouterai seulement que mon aîné Albert se trouve à Venise et passera tout un an à vagabonder à travers l’Italie » [à Peiresc, d’Anvers, 18 décembre 1634].
« Je suis un homme de caractère et de goût pacifiques et résolument hostile aux guerres, procès, incidents, et querelles publiques et privations »
[à Peiresc, d’Anvers, 31 mai 1635].

......Sur le goût de collectionner
« Je n’ai jamais négligé, au courant de mes voyages, d’observer et d’étudier les antiquités des collections publiques et privées, et d’acheter des objets curieux à deniers comptants ; j’ai conservé, d’autre part, les plus beaux camées et les plus rares médailles de la collection que j’ai vendue au duc de Buckingham, si bien que je possède encore une belle série d’antiquités » [à Peiresc, d’Anvers, 18 décembre 1634].
« M. Gage avait cru comprendre que votre Éminence serait disposée à faire un échange entre quelques-uns de ses marbres et quelques-unes de mes œuvres. Je suis trop amateur d’antiques pour n’être pas tout disposé à conclure avec votre Éminence, un accord raisonnable » [à Carleton, d’Anvers, 17 mars 1618].

......Sur les cours européennes
Mon jugement a évolué au long de ma longue carrière. Je suis souvent frappé par « l’affreuse misère de l’Europe » [à Pierre Dupuy, d’Anvers, 20 juillet 1628].
« Je suis frappé par la détresse des princes. Je ne peux me l’expliquer que par la répartition, entre les mains d’un très grand nombre de particuliers, des richesses de l’univers. La pauvreté des caisses publiques n’a pas d’autre cause » [à Pierre Dupuy, d’Anvers, 22 avril 1627].
« Je ne suis pas mécontent de visiter, au cours de mes pérégrinations, tant de pays différents. Et dans cette île [l’Angleterre] je n’ai pas trouvé la grossièreté que son climat, si différent de la douceur italienne, rendrait vraisemblable ; j’avoue même que je n’ai jamais vu des collections aussi importantes d’excellents tableaux des grands maîtres que dans les palais du roi d’Angleterre et de feu le duc de Buckingham. Le comte d’Arundel, lui, possède un grand nombre de statues antiques et d’inscriptions grecques et latines » [à Peiresc, de Londres, 9 août 1629].
« Ma seule consolation et ma seule compensation sont dans tous les spectacles délicieux que j’ai rencontrés en parcourant cette île [l’Angleterre], bien digne, à mes yeux, de la curiosité d’un homme éclairé, non seulement par le charme des paysages et la beauté du pays, ou bien par les coutumes et le décor de la vie qui sont d’un peuple riche, heureux et pacifique, mais encore par le nombre incroyable d’excellents tableaux, de statues et d’inscriptions antiques qu’on trouve dans cette cour » [à Pierre Dupuy, de Londres, 8 août 1629].

......Sur la France
 « La cour de France, par sa grandeur même, est constamment sujette à des changements sérieux » [à Pierre Dupuy, d’Anvers, 31 septembre 1626].
« La France porte actuellement en elle la fleur du monde » [à Pierre Dupuy, d’Anvers, 27 avril 1628].
 « Je vous prie de vous arranger (l’ami), pour retenir pour moi, pour la troisième semaine qui suivra celle-ci les deux dames Capaïo de la Reue du  Verbois, et aussi la petite nièce Louisa, car je compte faire grandeur nature trois études de sirènes, et ces trois personnes (sic) me seront d’un grand secours et infini, tant à cause des expressions superbes de leurs visages, mais encore par leurs superbes chevelures noires que je rencontre difficilement ailleurs et aussi de leur stature » [à Frarin, non daté].

......Des commanditaires
« Pour le sujet, il faudrait, pour bien faire, le choisir d’après les dimensions du tableau, car certaines compositions appellent de grandes toiles, d’autres de moyennes, d’autres de petites. Mais si je devais choisir selon mes vœux un sujet tiré de la vie de saint Pierre, je prendrais sa crucifixion les pieds en haut, car je crois que j’en pourrais tirer quelque chose d’extraordinaire, et cependant dans les limites de mon talent. En tout cas, le choix définitif doit être fait selon les goûts de celui qui paie le tableau » [au peintre Geldorp, au sujet d’une commande pour l’église Saint-Pierre de Cologne à Anvers, 25 juillet 1637].

......Descriptions de tableaux proposés à un amateur
« …un Prométhée lié sur le mont Caucase peint de ma main sauf l’aigle qui est de Snyders ; Daniel parmi les lions, peint entièrement par moi ; léopards peints d’après nature, peints par moi-même sauf un admirable paysage qui est d’un maître spécialiste ; Une crucifixion : c’est peut-être la meilleure chose que j’ai faite ; Un jugement dernier : commencé par un de mes disciples d’après un tableau beaucoup plus grand que j’avais fait pour Son Altesse Sérénissime le prince de Neubourg. Le tableau n’est pas terminé, mais je suis résolu à le reprendre entièrement de ma main si bien qu’il pourra passer pour un original ; Achille habillé en femme : peint par mon meilleur disciple. Je l’ai entièrement repris » [à Sir Dudley Carleton, d’Anvers, 28 avril 1618].

......Jugements et appréciations
« L’inconstance des choses humaines s’impose à mes méditations, quand je vois le Spinola du siège de Bréda, celui que les rois de France et d’Angleterre faisaient tout pour vaincre, rendre visite au roi de France dans des circonstances très semblables, être reçu dans son camp en ami, et conseiller le roi contre ses sujets révoltés et contre le roi d’Angleterre devenu son ennemi » [à Pierre Dupuy, d’Anvers, 13 janvier 1628].
Je recherche le bonheur. Je souhaite aller « saluer dans sa bienheureuse Provence M. de Peiresc ; cette visite sera le plus grand bonheur qui pourra m’arriver en ce monde » [à Peiresc, de Londres, 9 août 1629].
« Je voudrais pour ma part que le monde entier soit en paix, et que nous puissions vivre dans un siècle d’or plutôt que dans un cercle de fer » [à Pierre Dupuy, d’Anvers, 22 avril 1627].

L’orthographe de certains mots a été actualisée par la rédaction.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°556 du 1 mars 2004, avec le titre suivant : Rubens par lui-même

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