ARCHÉOLOGIE

Le projet de couverture du site des Vaux-de-la-Celle provoque de fortes oppositions

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 30 septembre 2020 - 796 mots

La construction d’un toit dénaturerait la cohérence du site et menacerait la stabilité de ses fondations selon des scientifiques et des défenseurs du patrimoine.

Genainville. Un sursis : c’est ce que l’association ApsaGe (Association pour la promotion du site archéologique de Genainville) a arraché lors d’une première réunion avec la Drac Île-de-France et l’architecte des Bâtiments de France, le 31 août dernier. Le projet controversé de couverture est repoussé au printemps prochain, mais il aura bien lieu. « Ils ont balayé d’un revers de la main toutes nos propositions », déplore Laurence Oster-Gozet, présidente de l’association. Décidée de manière unilatérale par les services de l’État, sans concertation avec les acteurs et élus locaux, cette couverture du temple pourrait pourtant faire plus de mal que de bien au site archéologique unique dans la région.

Niché au fond d’un vallon du parc naturel du Vexin, le sanctuaire des Vaux-de-la-Celle est le site gallo-romain le plus important d’Île-de-France. Composé d’un temple, d’un théâtre qui accueillait 8 000 spectateurs et de plusieurs réservoirs d’eau, le site classé depuis 1941 fait l’objet de campagnes de fouilles régulières – dont la dernière s’achevait fin septembre – et alimente les réserves du Musée archéologique du Val d’Oise de Guiry-en-Vexin, à dix kilomètres de là. Situé sur une nappe phréatique affleurante, dans un vallon humide, le site archéologique présente une situation hydrologique singulière qui n’a pas échappé aux services des Monuments historiques.

Les problèmes d’infiltration n’ont pas été pris en compte

Pour Jérôme Wassermann, géophysicien chercheur à la Fondation des sciences du patrimoine (université de Cergy-Pontoise), le projet de couverture du temple n’a pas pris en considération ce contexte hydrologique, au risque de mettre en danger les ruines. Censé protéger le temple de l’érosion des eaux de pluie, il rendrait les élévations constituées de roches poreuses beaucoup plus vulnérables aux infiltrations. « Si vous mettez une couverture sur le temple, vous le privez de soleil, mécaniquement l’eau infiltrée va se condenser et stagner, explique le scientifique, sans évaporation l’eau peut aller assez loin et toucher toutes les hauteurs des élévations. » Ces infiltrations concernent les eaux contenues dans le sol sablonneux du site, qui remontent par capillarité, mais aussi celles contenues dans l’atmosphère humide de cette cuvette naturelle. En soustrayant les pierres à la chaleur du soleil, la couverture les rend également beaucoup plus vulnérables au gel hivernal de ces eaux infiltrées.

La couverture du temple reposerait sur des micro-pieux de béton coulés dans les fondations du temple et pourrait également mettre en danger leur stabilité. « Les fondations sont en plein milieu du temple, dans la galerie périphérique, avec des pieux qui vont traverser des couches archéologiques », explique Laurence Oster-Gozet. « Le site repose sur un “hérisson”, une dalle constituée de divers blocs pour stabiliser le milieu, détaille Jérome Wassermann, la pression du vent sur les pieux, répercutée sur le “hérisson” pourrait entraîner des dommages importants sur les fondations du temple. »

En septembre 2019, le chercheur avait pourtant transmis une note à l’architecte des Bâtiments de France et à la Drac, dans laquelle il détaillait ces observations relatives au milieu humide et aux fondations. « Les Monuments historiques ont décidé de ce projet... on met de manière systématique un parapluie sur un site, sans le connaître, s’agace-t-il, c’est un projet vite fait, mal fait, avec un diagnostic falsifié. » L’ApsaGe confirme également que le projet publié en ligne dans l’appel d’offre ne faisait aucune mention des spécificités du site. « Il y a aussi une obligation d’affichage du projet qui n’a pas été respectée », ajoute Laurece Oster-Gozet, qui dénonce une opération menée en catimini : « Le maire de Genainville n’a été informé que fin juillet dernier ! »

L’opposition se renforce

L’association locale compte sur l’expertise scientifique du géophysicien et d’archéologues, qui proposent une solution alternative où les murs seraient couverts d’un mortier résistant, pour monter un dossier, « quitte à aller jusqu’au ministère ». Elle a également obtenu le soutien d’élus locaux : le président des maires du Val-d’Oise et le député Antoine Savignat s’opposent désormais au projet. Jérôme Wassermann estime de son côté que la situation est tendue en raison d’un « problème de personnes » et d’un manque de concertation : « le discours technique a peu de chance d’aboutir ; en réunion, nous sommes face à des gens qui ont une doctrine et qui n’écoutent rien. »

Pour faire pencher la balance, il mise davantage sur le cœur d’activité de la Conservation régionale des monuments historiques. « D’un point de vue patrimonial, je pense qu’ils se tirent une balle dans le pied en implantant ce “hangar agricole” au milieu du site. Le patrimoine, ce ne sont pas que des pierres en élévation, mais ce sont aussi les lieux dans lequel on le côtoie. » Au cœur du parc du Vexin français, classé Natura 2000, le vallon des Vaux-de-la-Celle témoigne également du rapport des Gallo-romains à leur environnement.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°552 du 2 octobre 2020, avec le titre suivant : Le projet de couverture du site des vaux-de-la-celle provoque de fortes oppositions

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