Réouverture

Le monde selon Rops

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 19 décembre 2003 - 474 mots

Le Musée Félicien-Rops, à Namur, en Belgique, rouvre après avoir été entièrement réaménagé. Créé en 1964, il conserve une collection de plus de 3 000 œuvres de l’artiste.

NAMUR - Créé en 1964 pour recevoir la collection du comte Visart de Bocarmé, le Musée Félicien-Rops (1833-1898) a d’abord occupé trois petites salles de la conciergerie de l’hôtel de Gaiffier d’Hestroy, rue de Fer, avant d’emménager, en 1987, dans un hôtel au cœur du Vieux Namur, non loin de la maison natale de l’artiste. Troisième étape de la campagne de rénovation du lieu, la modernisation de la scénographie s’est accompagnée de l’ouverture d’une bibliothèque. Située au rez-de-chaussée, cette salle de documentation et de lecture comprend des ouvrages sur Rops, la correspondance de l’artiste, mais aussi des documents sur le XIXe siècle et une réserve de livres précieux. Entièrement réaménagé, l’espace d’exposition permanente s’organise de manière thématique (le voyage, les créations érotiques ou sataniques, les liens avec le monde littéraire, la période parisienne, la gravure…). De nombreuses percées, conçues comme des fenêtres sur les salles, permettent de dynamiser l’ensemble. Le bâtiment est, en revanche, quasiment dépourvu d’ouverture sur l’extérieur, excepté deux « boîtes à regard » orientées vers la cathédrale Saint-Aubain et l’église Saint-Jean, sorte de clin d’œil au quartier historique de la ville. Déjà en 1997, avec la transformation de l’ancien atelier situé dans le jardin, l’édifice avait bénéficié d’un nouvel espace pour les expositions temporaires, réparti sur trois étages. Puis  l’annexion en 1999 d’un bâtiment voisin a permis de créer deux salles supplémentaires et un espace audiovisuel. Au total, depuis 1987, 2,85 millions d’euros ont été dépensés pour l’aménagement de la collection Rops.
L’accrochage permet d’apprécier au mieux l’œuvre d’un artiste qui dénonçait l’hypocrisie de son époque, en s’attaquant aux tabous sexuels ou morbides. Ainsi de Pornokratès ou Dame au Cochon (1878), l’une des œuvres les plus connues de Rops, archétype de la femme moderne qui s’avance à demi nue, les yeux bandés et un cochon en laisse, en piétinant fièrement les arts anciens, ainsi encore de La Mort qui danse (1865), un corps squelettique vu de dos, paré d’attributs féminins, ou de Parodie humaine, une prostituée derrière laquelle se cache la Mort, une métaphore de la syphilis… La collection compte au total plus de 3 000 œuvres, notamment 2 000 gravures acquises par la province de Namur et la Communauté française de Belgique en 1998. Une salle entière est consacrée à la gravure, avec des œuvres de Rops mais aussi des bornes interactives qui permettent de suivre les principales techniques de l’estampe : pointe sèche, eau-forte, vernis mou, aquatinte et lithographie. Pour parfaire sa transformation, le musée devrait prochainement lancer la rénovation de son jardin dans l’esprit de ce lieu intimiste.

Musée Félicien-Rops

12 rue Fumal, Namur, Belgique, tél. 32 81 22 01 10, tlj sauf mardi et dimanche matin 10h-12h et 14h-18h.

Rops, en marge

Pour sa réouverture, le Musée Félicien-Rops expose jusqu’au 29 février une sélection de gravures comprenant dans leurs marges des dessins originaux et textes manuscrits. Ces marginalia furent pour l’artiste une manière de réintroduire la rareté et l’unicité dans une œuvre vouée à la reproduction multiple. Le dessin peut lui-même avoir été décalqué d’un carnet de croquis ou d’une eau-forte, pour être ensuite transféré en marge des épreuves. Mais c’est ce mariage du dessin et de l’estampe qui confère au document son caractère unique. Par ce procédé, Rops pouvait explorer de nouvelles dimensions plastiques. « La marge est souvent le lieu où s’inscrivent les formes les plus anormales et comprend souvent la genèse de l’image centrale », explique dans le catalogue Hélène Védrine, commissaire de l’exposition (éditions Somogy, 158 p., 30 euros). En témoigne le croquis à droite de Sainte Thérèse, qui donne à voir la forme monstrueuse dont la sainte serait l’aboutissement. Le thème privilégié de ces œuvres est l’érotisme, voire l’objet pornographique. Rops isole les parties sexuelles et les recompose pour former des êtres hybrides ou obscènes. Il associe aussi parfois à ces images troublantes des textes écrits par lui.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°183 du 19 décembre 2003, avec le titre suivant : Le monde selon Rops

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