MUSÉE

Le Glenstone Museum prend une longueur d’avance

Par Sarah Belmont · Le Journal des Arts

Le 18 octobre 2018 - 574 mots

Début octobre était inaugurée la version augmentée du Glenstone Museum, lequel s’impose, avec 5 500 mètres carrés de surface, comme la plus grande institution privée des États-Unis.

Potomac (Maryland). Tandis qu’il brassait des milliards dans le monde de l’industrie américaine, elle s’illustrait sur la scène artistique new-yorkaise, dans les réserves du Guggenheim ou à la tête d’une organisation pour artistes émergents. Mitchell et Emily Rales sont mariés depuis 2008. De leur union est née une vaste collection d’art moderne et contemporain d’un peu plus de 1 300 pièces, qu’abrite le « Glenstone Museum », en référence à son emplacement, dans les environs de Glen Road, et aux carrières qui entourent le site.

À la « Gallery » de 840 mètres carrés, bâtie en 2006 par Charles Gwathmey, s’ajoutent aujourd’hui de nouveaux pavillons signés Thomas Phifer. Une extension qui aurait coûté près de 125 millions de dollars. Dans son ensemble, l’architecture, que d’aucuns pourraient qualifier de froide ou d’austère, évoque les constructions épurées de Naoshima. Pourtant l’île japonaise n’aura pas été la seule source d’inspiration du couple, qui se targue d’avoir visité une cinquantaine de musées à travers le monde avant de se mettre d’accord sur les plans de leur futur écrin.

Influence japonaise

Au-delà des nénuphars post-impressionnistes importés sur le plan d’eau, l’influence du Japon se traduit par un désir de fusion entre art, architecture et nature. « Nous voulions qu’en sortant de chaque salle le visiteur puisse renouer immédiatement avec le paysage », souligne Emma Rales, scénographe attitrée des lieux. D’où les immenses baies vitrées percées dans cette structure en béton lisse qui caractérise le musée. « Il nous aura fallu dix-huit mois pour trouver la composition exacte de ce matériau unique, explique fièrement Mitchell Rales. Nous laissons les infiltrations d’eau zébrer les murs. Pas question de les habiller outre mesure. C’est à la nature de faire son œuvre. »

Ce minimalisme assumé s’applique aux accrochages. Les œuvres sont relativement espacées les unes des autres tandis que leurs légendes, dissimulées sur la tranche des cimaises, sont rédigées sur le modèle suivant : « À partir de la droite : Jean Tinguely, Marcel Broodthaers, Marcel Duchamp, Arman, Joseph Beuys ». Pas de cartels aux murs. Mais le visiteur peut échanger ses impressions avec les guides, dont les uniformes gris souris se fondent dans le décor.

À l’exception d’une section, subdivisée en douze compartiments mêlant plusieurs courants artistiques, chaque installation ou chaque artiste a sa propre salle. Quatre sculptures de Charles Ray (Table, 1990 ; Fall’91, 1992 ; The New Beetle, 2006 ; Baled Truck, 2014) partagent le même espace. Quant au Livro do Tempo I (1961) de Lygia Pape, son isolement a été décidé au terme de soixante-dix entretiens menés avec les représentants de la plasticienne décédée en 2004. « C’est un exemple des extrémités jusqu’où nous sommes prêts à aller pour satisfaire la volonté d’un artiste, vivant ou disparu », déclare la maîtresse des lieux.

Dans le parc environnant (90 ha) se trouvent des installations monumentales de Felix González-Torres, Jeff Koons, Richard Serra, entre autres, à découvrir d’un pas lent. « Nous préconisons ce que nous appelons le “slow art”, explique Emma Rales. Pourquoi se précipiter pour tout voir alors qu’il suffit de revenir ? D’autant que la lumière extérieure, présente dans l’ensemble des pavillons, varie d’une visite à l’autre. » Cette expression d’“art lent” implique non seulement des accrochages de longue durée (la rétrospective « Louise Bourgeois » court jusqu’en 2020), mais invite également à une flânerie méditative au sein du Glenstone, dont l’entrée est gratuite.

 

 

Glenstone Museum,
Glen Road, Potomac, Maryland, www.glenstone.org

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°509 du 19 octobre 2018, avec le titre suivant : Le Glenstone Museum prend une longueur d’avance

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