Dispersion de patrimoine

Le manoir deTyntesfield sera-t-il mis en vente en septembre ?

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 17 mai 2002 - 727 mots

À quelques kilomètres
de Bristol, en Grande-Bretagne, Tyntesfield, un manoir victorien édifié
par un élève de Pugin,
est sur le point d’être vendu aux enchères après le décès de son propriétaire. Passée d’héritier en héritier
depuis 1862, la majestueuse demeure avec son
mobilier et les terrains
qui l’entourent font actuellement l’objet
d’un appel à souscription pour que l’État puisse se porter acquéreur.

Londres (de notre correspondant) - Situé dans une région vallonnée à onze kilomètres au sud-ouest de Bristol, en Grande-Bretagne, le manoir de Tyntesfield se dérobe aux regards depuis plus d’un siècle. Inaccessible au public, cette folie néogothique avec son mobilier d’époque a été bâtie pour William Gibbs (1790-1875), un homme d’affaires puissant dont la fortune provenait de l’importation de guano et de nitrate d’Amérique latine. Après être passé dans les mains de son fils Anthony (1842-1907), le manoir de 43 pièces a successivement été la propriété de son petit-fils George (1873-1931) – qui, une fois anobli, a pris le titre de Lord Wraxal –, puis de son arrière petit-fils George (1928-2001). À la mort du deuxième Lord Wraxall l’été dernier, le titre est passé à son frère, le diplomate Eustace Gibbs, et la demeure a fait l’objet d’un partage entre dix-neuf héritiers dont aucun n’a pu racheter la part des dix-huit autres. C’est pourquoi l’agence immobilière Savills, spécialisée dans le haut de gamme, a mis Tyntesfield en vente le 19 avril, au prix indicatif de 23,5 millions d’euros, pour l’ensemble de la propriété dont la superficie atteint quelque 750 hectares. Le mobilier que Christie’s inventorie actuellement devrait représenter 9,7 millions d’euros supplémentaires. Afin d’éviter que cet ensemble ne soit morcelé puis dispersé, le National Trust (chargé de la gestion des monuments historiques britanniques) s’est mobilisé en vue de réunir près de 34 millions d’euros pour le mois de juin, soit avant la vente prévue les 23 et 27 septembre.

Financement par la Loterie nationale ?
John Norton, un disciple de Pugin, a reconstruit radicalement le manoir en 1862 à partir d’un bâtiment déjà existant. À l’extérieur, tours et tourelles composent sa silhouette gracieuse, tandis que les intérieurs sont richement décorés de revêtements en pierre sculptée, de panneaux de bois travaillé, d’incrustations de marbre et de vitraux. Sa chapelle, ajoutée en 1870, est aussi vaste qu’une église. Mais la grande richesse de Tyntesfield réside dans son mobilier et sa collection de tableaux qui compte une Vierge de Bellini et son atelier, un grand Saint Laurent de Juan Luis Zambrano – contemporain de Zurbarán –, un paysage d’hiver d’Aert van der Neer et d’autres œuvres de Gerrit Horst – élève de Rembrandt –, Frans Franken, Caspar Netscher, Augustus Callcott, Henry Dawson, Charles Fairfax Murray et Richard Wilson. Pour ce qui concerne le mobilier, le manoir comprend un immense cabinet et un bureau à cylindre richement sculpté réalisés par Collier & Plucknett, un buffet de Crace et une table de jeux indienne du XVIIIe siècle en ébène et ivoire qui provenait d’Hamilton Palace. Souhaitant conserver ce témoignage victorien dans son intégrité, le National Trust a adressé une demande de financement à la Loterie nationale. Cependant, les frais de succession à verser par les héritiers s’élèvent à près de 5 millions de livres sterling et une dation en paiement pourrait permettre de conserver in situ une partie du mobilier et des peintures, dont le montant est estimé à 9,7 millions d’euros. Si le National Trust ne parvient pas à rassembler les fonds nécessaires au rachat de Tyntesfield ou à associer plusieurs organismes de protection du patrimoine, Christie’s et Savills procéderont à la vente du manoir et de son contenu. Tout porte à croire que le manoir sera alors
transformé en hôtel ou divisé en appartements.

La maison de Pugin en quête d’une subvention

Le Landmark Trust, un organisme britannique pour la protection du patrimoine, a également lancé un appel pour financer la restauration de The Grange, la maison en bord de mer d’Augustus Welby Pugin (1812-1852). Située à Rams- gate et construite en 1843, la demeure dans laquelle l’architecte conçut ses plans pour le Parlement britannique (palais de Westminster) est restée la maison de la famille jusqu’à la mort de son fils Cuthbert en 1928. D’abord transformée en école, elle a ensuite été acquise par le Landmark Trust. Si la Loterie nationale a contribué pour moitié à l’achat, il manque toutefois près de 1,3 million d’euros pour les travaux de restauration.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°149 du 17 mai 2002, avec le titre suivant : Dispersion de patrimoine

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