Ouverture

Anvers mise sur le MAS

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 23 mai 2011 - 701 mots

Trois musées réunis sous un geste architectural et un écrin pour la collection Janssen : tel est le pari du « Musée au bord du fleuve ».

ANVERS - Alors que les musées fédéraux de Bruxelles font les frais des atermoiements de la politique belge, les Flamands continuent à investir massivement dans leurs musées, non sans en attendre quelques retombées en termes d’attractivité touristique. En témoigne le tout nouveau « MAS » (Museum aan de Stroom ou « Musée au bord du fleuve »), ouvert à la mi-mai et destiné à devenir le nouveau symbole de la ville d’Anvers. Implanté sur l’Eilandje, une petite île située entre ville et port en pleine reconversion urbaine, le MAS a manifestement vocation à devenir un nouveau centre de gravité.

Lancé en 2000, le projet, à la fois objet architectural et nouveau concept muséal, aura coûté pas moins de 56 millions d’euros, dont plus de 33 millions pour le seul bâtiment. Conçue comme un signe architectural par les Néerlandais Willem-Jan Neutelings et Michiel Riedijk, sa tour de 65 mètres de haut, ornée sur son parvis d’une grande mosaïque due à la star belge de l’art contemporain, Luc Tuymans, impose une image d’avant-garde. Elle consiste en un empilement de dix niveaux, alternant parois de verre ondulé et murs opaques parés de grès rouge indien. De quoi créer, à l’intérieur, un « boulevard de promenade » qui ceinture de bas en haut l’édifice et offre de spectaculaires échappées visuelles vers la ville. Comme l’étaient jadis les cages d’escalators vitrées du Centre Pompidou, ces espaces panoramiques seront ouverts indépendamment du musée et pourront constituer, à eux seuls, un motif de visite. Côté collections, le MAS, dédié « aux liens d’Anvers avec le monde », est né du regroupement forcé en un seul établissement de trois musées de la Ville dont les bâtiments historiques sont destinés à être vendus : le Musée ethnographique, le Musée national de la navigation et le Musée du Folklore. D’où un ensemble à la fois hétérogène et pléthorique constitué de plus de 470 000 numéros auquel il a fallu donner une cohérence. Le choix s’est porté sur une présentation thématique dans un esprit très proche du futur « Musée des Confluences » de Lyon – dont le concept a fait des émules avant même que le musée lyonnais ne voie le jour. 
Quatre grands thèmes ont ainsi été retenus : « Démonstration de puissance », « Métropole », « Port mondial » et « Vie et mort ».  

420 objets collection Dora Janssen 
Après avoir parcouru un étage occupé par les réserves visitables puis un autre dévolu aux expositions temporaires, le visiteur poursuit une visite ascendante, les objets étant exposés dans des espaces aveugles situés au centre de chaque étage. La déambulation s’effectue dans la pénombre, dans une ambiance où la présence très forte de la scénographie occulte parfois le discours – uniquement en flamand hors téléchargement via un smartphone – sur les objets historiques ou ethnographiques. 
La salle dédiée à l’histoire maritime, envahie de maquettes de bateaux, constitue toutefois une belle réussite. Mais c’est au dernier niveau que sont exposées les plus belles pièces du musée. Après maints débats, la prestigieuse collection d’art précolombien réunie par le baron Paul Janssen, qui fit fortune dans l’industrie pharmaceutique, et son épouse Dora, a enfin trouvé son point de chute. Après la mort de son mari, Dora Janssen avait en effet manifesté son souhait de payer ses droits de succession par le biais d’une dation autorisant le dépôt de sa collection aux Musées royaux d’art et d’histoire de Bruxelles. Mais les traditionnels désaccords entre gouvernement fédéral et gouvernement de la Communauté flamande auront retardé le projet et empêché son installation dans la capitale belge. Devenu propriétaire de la collection en 2006, le gouvernement flamand a donc trouvé un écrin à la mesure de ces quelque 420 objets d’une grande qualité, réunis d’abord sur des critères esthétiques. Sans exclure la possibilité d’une tournée internationale de la collection d’ici quelques années, et en laissant l’usufruit à Dora Janssen sur certains bijoux. 

Museum Aan de Stroom
Tous les jours sauf lundi 10h-17h (jusqu’à 18h le week-end) et 9h30-24h pour le « bou-levard de promenade », Hanzestedenplaats 1, Anvers, www.mas.be

Le Musée des beaux-arts fermé jusqu'en 2017

Le 30 avril, le prestigieux Musée royal des beaux-arts d’Anvers (KMSKA), connu pour ses collections de peinture flamande, fermait ses portes pour de très lourds travaux de rénovation. Prévus initialement pour durer jusqu’en 2014, ils ne devraient pas s’achever avant 2017. Pendant ces six années, l’intégralité du bâtiment du XIXe siècle, qui n’avait jamais fait l’objet d’une grande rénovation, sera ainsi désamiantée, câblée, modernisée et agrandie de l’intérieur par les architectes néerlandais Felix Claus et Kees Kaan, pour un coût de 44 millions d’euros. 40 % de superficie doit ainsi être gagnée sur les combles et les cours du musée. Si une partie des œuvres reste sur place pendant les travaux – ainsi du monumental Baptême du Christ de Rubens, qui sera coffré – la plupart des objets circuleront hors les murs. Une sélection est déjà présentée dans l’exposition inaugurale du nouveau MAS (« Cinq siècles d’images à Anvers », jusqu’au 30 décembre 2012). Le musée réfléchit par ailleurs à la possibilité de faire circuler des œuvres dans des musées régionaux français.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°348 du 27 mai 2011, avec le titre suivant : Anvers mise sur le MAS

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