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Numérique et culture : la quête de l’indispensable complémentarité

Par Lorraine Lebrun · Le Journal des Arts

Le 24 janvier 2022 - 1146 mots

RIOM

La quatrième « Conférence capitale » s’est penchée sur la question des pratiques culturelles et artistiques affectées par l’irruption du numérique.

Visite de la Galerie du temps à distance avec le robot d’Orange.© Frédéric Iovino / Louvre-Lens
Visite à distance avec le robot d’Orange de la Galerie du temps au musée Louvre-Lens.
© © Frédéric Iovino / Louvre-Lens

Pour l’académicien Pascal Ory, « les plus grandes révolutions culturelles sont liées à des innovations en matière de technologie de la communication. » L’histoire culturelle est ainsi jalonnée, « depuis la Préhistoire, d’autant de processus de dématérialisation, tels que le langage articulé, l’écriture, l’imprimerie, l’audiovisuel, énumère encore l’académicien. Le numérique constitue aujourd’hui le point d’aboutissement provisoire » de cette trajectoire.

Aussi la révolution numérique constitue-t-elle un changement de paradigme à l’échelle de l’ensemble de nos pratiques, notamment culturelles. Avec des répercussions directes dans la médiation et la création, amplifiées par la récente crise sanitaire, « phénomène accélérateur, mais pas fondateur », estime Pascal Ory. Un constat autour duquel trois intervenants – Sébastien Duclocher, réalisateur, scénariste et délégué général du Festival du court métrage de Clermont-Ferrand ; Magalie Vernet, directrice de la communication, du développement et de l’événementiel du Louvre-Lens ; et Emmanuel Vergès, codirecteur de l’Observatoire des politiques culturelles – se sont réunis pour partager leurs observations. Pour ce dernier, la complexité vient du fait « qu’il n’y a souvent pas une substitution complète du numérique, mais une composition avec les autres pratiques existantes ». Certaines tendances déjà à l’œuvre se sont retrouvées considérablement accélérées par la crise. Or si le numérique « accélère le processus d’individualisme à travers l’individualisation de la programmation culturelle », il soulève en cela des enjeux cruciaux en termes de politiques culturelles et quant à la façon de « consommer » la culture à l’avenir. « On sait bien que l’avenir de la radio est du côté des podcasts ; pour la télé, des replays. Qu’en est-il de l’avenir du cinéma de salle ? » Car, à l’inverse de la radio et de la télévision, « personne n’a chez lui un équipement capable de respecter le film tel qu’il a été pensé sur le plan artistique », observe Sébastien Duclocher. « Il faut aujourd’hui poser la question de l’espace dans lequel on va consommer et produire des pratiques culturelles, estime Emmanuel Vergès. À quelle place se situent aujourd’hui les institutions vis-à-vis de l’explosion de la pratique et de la consommation culturelles dans ces contextes de réception que sont les chambres des adolescents plutôt que les espaces collectifs traditionnels ? »

Les jeunes vont toujours au cinéma, mais moins qu’avant

Dans le cas du cinéma, si le repli dû au Covid a donné la part belle aux plateformes de streaming, celles-ci préexistaient à la crise. Et malgré la concurrence, 2019 s’était révélée être une très bonne année pour le cinéma en salle, rappelle Sébastien Duclocher : « Il n’y avait pas de problème de structurations financières : les deux cohabitaient sans forcément interagir. 2020 a compliqué les choses. » Pour ce dernier, le secteur n’était tout simplement « ni prêt ni paré pour trouver des solutions », car la salle reste un incontournable. Alors comment inciter à sa fréquentation, notamment de la nouvelle génération qui s’est complètement emparée des plateformes ? En la repensant pour en faire plus qu’un simple espace de diffusion – le Prix CNC [Centre national du cinéma] de la salle innovante y incite par exemple. « Mais ces questions sont très récentes, car la pandémie est venue chambouler une tradition bien ancrée. »

En réalité, tempère encore le cinéaste, les jeunes vont toujours au cinéma, même si moins qu’avant. « Le cinéma reste la pratique artistique la plus répandue à l’école » grâce à des initiatives telles que « Collège ou Lycée au cinéma », qui permettent de toucher près de 2 millions d’élèves chaque année. Avec un maillage de 2 000 salles sur le territoire et un tarif de 2,50 € par élève, rendant la salle accessible, le travail de programmation permet en outre de proposer des films vers lesquels ce public ne se tournerait pas nécessairement.

Aux yeux de Sébastien Duclocher, il n’y a néanmoins « pas d’opposition entre cinéma et numérique, mais une complémentarité », bien illustrée par la section Pop-Up du festival du court métrage, dédiée aux courts venus du Web en partenariat avec YouTube. Mais surtout, « un des apports du numérique, c’est la pratique ». Avec le Concours de la jeune critique (en version numérique, pandémie oblige) ou le projet « Écris ta série » lancé par le CNC, le numérique offre les moyens à chaque jeune d’exprimer sa créativité à l’aide des outils auxquels il a souvent accès et qu’il maîtrise.

Au Louvre-Lens, le numérique permet de gagner de nouveaux visiteurs

« Avec les nouvelles technologies, un nouveau lien avec le public s’est mis en place », constate également Magalie Vernet. Au Louvre-Lens, comme dans la plupart des institutions muséales, les fonctionnalités offertes par le digital sont à l’étude depuis longtemps. « Médiation humaine et numérique peuvent être de formidables outils complémentaires. » Des visites et ateliers à distance dans la Galerie du temps pour les publics dits « empêchés » (hospitalisés de longue durée, détenus, seniors en Ehpad) ont recours à des robots pilotés par le visiteur à distance, restant ainsi acteur de sa visite tout en étant accompagné d’un médiateur. « Le numérique permet donc d’ouvrir la visite, mais il est toujours complété par une action de médiation, qui est la véritable courroi de transmission. »

Nécessaire mais non suffisant, le numérique a permis de palier le manque de contact dû aux confinements et fermetures successives, permettant « de conserver un lien avec notre public mais également de capter de nouveaux visiteurs », grâce à une offre de visites à distance réservées à 5 ou 6 « e-visiteurs », accompagnés d’un médiateur avec lequel ils peuvent interagir.

Une attention est également portée aux personnes âgées. « Nous avions cet autre concept et s’est posée la question de comment greffer du numérique dessus. » Le principe initial ? Un stage destiné aux grands-parents désireux de préparer leur visite ultérieure avec leurs petits-enfants. Or « on a observé durant le premier confinement une explosion de l’utilisation des réseaux sociaux, notamment chez les personnes âgées de 60 ans et plus », souligne Emmanuel Vergès. Pour Magalie Vernet, il faut savoir profiter de la diffusion de ces outils auprès du public senior pour développer une stratégie « omnicanale ». « Nous souhaitons commencer à programmer sur Facebook, un réseau social vieillissant, des petits posts et des commentaires d’œuvres afin d’inciter à passer d’un format à l’autre. »

Mais entre zones blanches, fractures numériques et illectronisme, le numérique à lui seul est loin d’être la solution adaptée à tous les maux. « Il ne s’agit pas de mettre tous nos œufs dans le même panier, nuance Magalie Vernet. Mais ménageons des passerelles. Les nouvelles technologies décloisonnent les usages, captent de nouveaux publics et favorisent une accessibilité universelle. En tant que musée, tâchons d’en faire des outils complémentaires et adaptons nos propositions à ces nouveaux usages. »

In fine, l’adaptation du secteur aux nouvelles possibilités du numérique révèle des « dilemmes et tensions constitutifs des politiques culturelles », résume Emmanuel Vergès. Avec, voit-il, trois enjeux dans les années à venir : « réinventer des médiations à l’aune du nouveau contexte de création et de réception des œuvres ; questionner la place à donner aux pratiques culturelles du domicile dans nos institutions collectives ; et enfin, légitimer ces cultures de la contribution ».

(RE)Voir la 4e « Conférence capitale »
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