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Littérature

Le bestiaire fantastique d’un roman mythique

Par Aude-Claire de Parcevaux · L'ŒIL

Le 20 décembre 2023 - 479 mots

Ce grand classique illustré de la littérature asiatique est réédité, dans une version très accessible. L’occasion de le découvrir.

Voilà un événement qui réjouira les amateurs de littérature sino-japonaise, et plus largement les curieux de littérature classique. En ce début d’année, les éditions 2024 proposent une réédition de La Pérégrination vers L’Ouest. Très pédagogique, l’ouvrage a vocation à mieux faire connaître ce grand roman d’aventures publié en Chine au XVIe siècle, qui irrigue aujourd’hui encore la culture populaire asiatique. Un grand nombre de mangas ou de jeux vidéo en sont directement inspirés, Dragon Ball en tête. Le point de départ de cette fiction fantastique est un fait historique : la quête par un moine pèlerin, au VIIe siècle, des textes sacrés du bouddhisme, à travers l’Asie centrale et jusqu’en Inde. Au fil des siècles, ces aventures se sont enrichies d’un grand nombre de personnages et de multiples péripéties, le seul à tirer son épingle du jeu étant un singe aux pouvoirs magiques. Cette nouvelle édition est accompagnée d’un corpus de textes donnant des clés de compréhension bienvenues pour le public occidental. Christophe Marquet, directeur de recherche à l’École française d’Extrême-Orient, rappelle la genèse de l’ouvrage, publié d’abord en Chine, avant d’être introduit au Japon par les marchands de Nagasaki à la fin du XVIIe siècle. Naît alors dans l’Archipel un engouement pour la littérature chinoise, qui conduit à traduire le livre en japonais, à l’intention d’un public moins lettré. Puis, une autre version, abrégée, et illustrée de nombreuses images voit le jour au XIXe siècle : c’est elle qui va assurer l’incroyable popularité du roman. Mais l’intérêt majeur de cette réédition est la grande place accordée aux illustrations : l’intégralité des 250 images publiées entre 1806 et 1837 sont ici reproduites. Monstres poilus ou cornus, fantômes, scènes de combats, divinités ou voyageurs... ces estampes ont longtemps été attribuées à Hokusai (1760-1849). Elles sont, en réalité, l’œuvre de trois illustrateurs différents : un de ses plus fidèles disciples, l’affichiste Katsushika Taito, et deux autres imagiers de talent, Ohara Toya et Utagawa Toyohiro. Chaque fac-similé est accompagné d’une traduction du cartouche en sino-japonais qui le légende, assurée par Evelyne Lesigne-Audoly et Delphine Mulard. « Les illustrateurs avaient des contraintes très fortes. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment ils les ont gérées », explique cette dernière, une historienne de l’art spécialiste des manuscrits japonais illustrés des XVIIe et XVIIIe siècles, qui souligne la grande variation dans la manière dont sont représentés les animaux, notamment ceux qui étaient inconnus, comme l’éléphant. On peut saluer au passage le très important travail de collecte des éditeurs pour réussir à disposer de toutes les illustrations. Seul regret, pour des raisons de lisibilité et de solidité, le livre n’a pas été imprimé sur papier de riz, comme dans les versions d’origine. Ce qui enlève un peu de la poésie, mais n’ôte rien à la qualité du livre.

« La Pérégrination vers l’Ouest. Intégrale des illustrations de l’édition japonaise de 1806-1837 »,
sous la direction de Christophe Marquet, traduit du sino-japonais par Evelyne Lesigne-Audoly et Delphine Mulard, 2024, 836 p., 69 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°771 du 1 janvier 2024, avec le titre suivant : Le bestiaire fantastique d’un roman mythique

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