ART CONTEMPORAIN

L’esprit de Topor est bien là

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 17 octobre 2019 - 499 mots

À la galerie Anne Barrault, l’exposition « Topor n’est pas mort », plus qu’un hommage, offre un cri de ralliement.
Paris. En réunissant vingt artistes, dont deux seulement sont représentés par sa galerie, autour de l’œuvre de Roland Topor (1938-1997), Anne Barrault s’est attachée à éclairer plusieurs facettes d’un travail souvent réduit à son humour noir ou scabreux. Si aucune nouvelle pièce n’a été réalisée pour cette exposition de groupe, chacune entretient cependant un lien, patent ou discret, avec l’univers de Topor, dont huit œuvres, en partie confiées par son fils, Nicolas Topor, sont montrées pour l’occasion. Objet visuel et sonore captivant, Harmonie (2018), le film d’animation de Bertrand Dezoteux, a servi d’élément déclencheur. On peut en effet voir dans cette dystopie un clin d’œil au film réalisé par Topor avec René Laloux, La Planète sauvage (Prix spécial du jury au Festival de Cannes en 1973). L’affinité est flagrante aussi entre l’insolence volontiers obscène de Topor et celle de Killoffer, qui évolue entre la bande dessinée et l’art contemporain. Elle l’est également, dans un registre paillard, avec le Porno Renoir de Guillaume Pinard dont la première exposition à la galerie faisait d’ailleurs directement référence à ce prolifique créateur de dessins, de romans, de décors d’opéra et d’émissions de télévision.

Le contraste entre la technique d’aquarelle et la société dépeinte par Jean-Xavier Renaud, tel qu’il apparaît dans Voisins vigilants police (2018, [voir ill.]) ; les belles images aux légendes véridiquement pathétiques de Taroop & Glabel, tout cela colle parfaitement avec l’idée que l’on se fait du cofondateur, avec Fernando Arrabal et Alejandro Jodorowsky, du groupe Panique.
Le Topor fantastique
Pour d’autres, le lien peut paraître moins évident : mais la dimension féerique des paysages d’Hugues Reip parle davantage du Topor metteur en scène de théâtre, capable de s’aventurer dans des contrées plus fantastiques. C’est le Topor illustrateur de Marcel Aymé, l’inventeur joyeux de la série télévisée « Téléchat », qu’évoque aussi la réflexion sur le spectacle d’Antoine Marquis, le benjamin de l’exposition, tandis que Daniel Spoerri, ami de Topor et présent avec ses trois préservatifs tricotés, tripotés, tricolores, en est pour sa part le doyen.

Afin d’éviter l’écueil de connivences trop masculines, Anne Barrault a invité de nombreuses artistes femmes. Certaines ont croisé Topor, comme Mirka Lugosi ou Olivia Clavel, membre du groupe Bazooka. D’autres gravitent dans son orbite : Nina Childress, qui exposera bientôt avec Guillaume Pinard à l’École des beaux-arts de Nantes, livre un autoportrait dont l’esprit de dérision ne dépare pas dans la sélection. Née en 1977 à Moscou, Dasha Shishkin, qui vit à New York, ignorait à peu près tout quant à elle de l’existence de Roland Topor. Ses grands dessins colorés mêlant érotisme et grotesque peuvent pourtant prétendre à une lointaine parenté ; la voici introduite dans la famille élargie.

Le prix des œuvres va de 150 euros pour un dessin d’Antoine Marquis à 11 000 euros pour un ensemble de dessins de Henk Visch, et 11 500 euros pour la sculpture en céramique émaillée Nue posée (2018) d’Elsa Sahal.
Topor n’est pas mort,
jusqu’au 26 octobre, galerie Anne Barrault, 51, rue des Archives, 75003 Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°531 du 18 octobre 2019, avec le titre suivant : L’esprit de Topor est bien là

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