Le dixième Gallery Weekend de Berlin tient son rang

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · lejournaldesarts.fr

Le 6 mai 2014 - 997 mots

BERLIN (ALLEMAGNE) [06.05.14] - Cinquante galeries berlinoises se sont parées de leurs plus beaux atours à l’occasion de la dixième édition du Gallery Weekend, qui s’est déroulée du 2 au 4 mai 2014.

On ne change pas une équipe qui gagne. Le Gallery Weekend de Berlin, devenu depuis la disparition de la foire Art Forum le principal rendez-vous des collectionneurs dans la capitale allemande, a célébré sa dixième édition du 2 au 4 mai 2014, sans se retourner sur le passé mais en délivrant des expositions de très bonne qualité.

Burkhard Riemschneider, cofondateur de la galerie Neugerriemschneider et du Gallery Weekend, souligne cependant que, si le concept reste inchangé, l'événement a tout de même évolué depuis 2005. Lors de la première édition, 20 galeries avaient ouvert leurs portes au public le temps d’un week-end, et le traditionnel dîner de gala accueillait 300 collectionneurs majeurs. Neuf ans plus tard, plus de 1000 d’entre eux ont répondu présent. Il s’agissait principalement de collectionneurs européens (allemands, suisses, italiens et dans une moindre mesure français), mais aussi américains et asiatiques. Le nombre de galeries participantes s'est accru au fil du temps, permettant d’inclure de plus jeunes galeries, et laissant ainsi la place à la découverte de nouveaux talents.

N'y aurait-il pas un sentiment de lassitude après presqu’une décennie d’existence? Pas du tout, affirme Burkhard Riemschneider, grâce à la dynamique de l'événement. Chacun peut choisir un programme individuel, ressenti différemment selon les intérêts de chacun. Enfin, conclut-il, la zone géographique des galeries s'est étendue, à l’image de l’évolution de la capitale allemande.

Comme la majorité des galeries, Neugerriemschneider proposait une exposition individuelle. Une installation évolutive de l’artiste américaine Pae White remplissait la salle principale de la galerie. Comme c’est le cas pour beaucoup d'artistes basés à Los Angeles, ses œuvres transgressent les frontières entre design, graphisme, architecture et artisanat.

Deux cents mètres plus loin, la galerie Neu était une des quelques galeries à avoir opté pour une exposition de groupe incluant la majorité des artistes qu’elle représente, dont le collectif Claire Fontaine, Cerith Win Evans, ainsi que deux jeunes artistes nominées pour le prix de la Nationalgalerie en 2011, Kitty Kraus et Klara Linden. Cette exposition visait d’une part à célébrer les vingt ans de la galerie et d’autre part à en inaugurer les nouveaux locaux, marquant un retour dans le quartier de Mitte. La galerie a investi une ancienne chaufferie tombée en désuétude, qui desservait auparavant les bâtiments préfabriqués avoisinants, typiques de l’ancienne Allemagne de l’Est. Alors que les immeubles de luxe sont devenus la norme dans le quartier, l’occupation de cet espace atypique montre à quel point Berlin trouve encore les moyens de se réinventer, malgré les récurrentes annonces catastrophistes sur les effets négatifs de l’embourgeoisement de la ville.

Le galeriste Mehdi Chouakri présentait les sculptures murales de l’artiste Gerold Miller, qui avaient rencontré un grand succès à Art Basel Miami. Le Gallery Weekend lui offre la possibilité de montrer à la fois une plus grande concentration et une plus grande diversité des œuvres de l’artiste. « Le Gallery Weekend a une autre âme et une meilleure qualité qu'une foire d'art contemporain. Les foires sont beaucoup plus superficielles », déclare Mehdi Chouakri. Il souligne que le modèle a été exporté dans d’autres villes, telles que New York, Tokyo, et une nouvelle tentative aura bientôt lieu à Paris, mais le succès de l’événement est intrinsèquement lié à la ville de Berlin, qui n’est pas aussi stressante que les autres grandes métropoles. « Et il est crucial de comprendre que sans le Gallery Weekend, les jeunes et les petites galeries ne pourraient pas survivre à Berlin », ajoute-t-il. Surtout avec l’augmentation de la TVA allemande sur les objets d’art depuis le 1er janvier 2014, très difficile à absorber par ces galeries, conclut-il.

Parmi les jeunes galeries conviées cette année, figuraient entre autres Société, Plan B et Kraupa-Tuskany Zeidler. Cette dernière a ouvert ses portes il y a deux ans et demi et participe pour la seconde fois au Gallery Weekend. Le concept permet une présentation plus riche dans le cadre d'une galerie, avec la participation d'un public averti. « Nous réalisons un chiffre d'affaire comparable à celui réalisé lors d'une foire importante » déclare Amadeo Kraupa-Tuskany. Toutes les œuvres de l’exposition très remarquée de l’artiste Katja Novitskova ont été vendues en deux jours. Mais des découvertes peuvent également être faites dans des galeries très établies, telle que Contemporary Fine Art. Nicole Hackert, cofondatrice de la galerie, présentait cinq artistes qu’elle suit depuis peu : Borden Capalino, Sachin Kaeley, Rosy Keyser, Sam Moyer et Kaari Upson, dans une exposition intitulée « Maximalism », prônant l’ouverture du champ des possibles à la Rauschenberg, et en réaction à ce qu’elle appelle la mode du minimalisme. Parmi les autres jeunes artistes de ce Gallery Weekend figuraient Florian Meisenberg chez Wentrup, ou bien encore Katinka Bock chez Meyer Riegger.

D’autres galeries privilégient des valeurs sûres, telles que Philip Guston dans la galerie Aurel Scheibler. La galerie Kewenig présentait pour sa première participation au Gallery Weeekend depuis son déménagement à Berlin en septembre dernier l’artiste Bertrand Lavier. Selon le site artbios.net, 9% des expositions de l’artiste ont eu lieu en Allemagne. Quel est son rapport avec le public allemand ? « J’ai l’impression que je représente pour le public étranger un art qui est très « French », faussement cartésien, de la même manière que Joseph Beuys incarne un art vraiment très allemand », déclare Bertrand Lavier. La galerie lui a laissé entièrement carte blanche. Il a choisi de présenter un « medley » d’œuvres de différentes époques et séries, et différentes zones géographiques, allant de l’Océanie à la république tchèque, avant de revenir à l’Allemagne à travers une œuvre réalisée spécifiquement pour l’exposition, un piano peint, de la marque allemande Bechstein.

Comme chaque année, une séance de rattrapage est possible, puisque la majorité des expositions dure jusqu’à fin juin, à combiner éventuellement avec la biennale de Berlin qui se tiendra du 29 mai au 3 août 2014.

Légende photo

Le quartier Mitte à Berlin - Photo Bleppo - 2007

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