Keiji Uematsu

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 mai 2001 - 547 mots

Keiji Uematsu est un Japonais mais ne vous attendez pas à voir des mangas sous acide, des performances nippo-punk ou encore de subtiles estampes. Si les œuvres de Maître Uematsu sont indéniablement empreintes
de culture nipponne, ce sont aussi l’art minimal et l’Arte povera qui
les influencent. A découvrir à la galerie Baudoin-Lebon.

A 54 ans, Uematsu partage son temps entre Düsseldorf et Nishinomiya au Japon, où il nourrit ses prospections artistiques, amorcées voilà une trentaine d’années. Patiemment et avec sagesse, il a fait de l’espace son matériau de prédilection, invisible mais indispensable élément d’équilibrage entre la terre et les hommes. Ses premières performances et ses assemblages témoignent d’une harmonie fragile et fugace entre ces trois éléments, un équilibre ténu que révèlent encore aujourd’hui les nouvelles créations de Keiji Uematsu. Poutres de bois délicatement posées en porte-à-faux, prêtes à choir au moindre faux mouvement, corps arc-bouté entre une planche et une corde telle une catapulte sur le point d’être déclenchée, branches stabilisées sur des cônes pointus et rutilants sont quelques exemples de ces situations spatiales précaires qui rappellent les combinaisons subtiles de l’ikebana. L’économie des moyens employés (ficelle, verre, pierres et bois), la simplicité des assemblages suscite une tension maximale. Ça n’a l’air de rien, tous ces volumes inertes délicatement assemblés, mais le temps, l’espace et notre regard y sont comme immédiatement suspendus. Un soupir un peu trop profond, un déplacement brusque et le visiteur a l’impression que le château de cartes, pourtant imposant, va s’effondrer. La masse de certains matériaux et leur juxtaposition à d’autres plus délicats viennent renforcer la perplexité qu’entraînent ces montages acrobatiques : les rondins de bois, les pierres et parfois les rochers, les cônes d’acier se dressent grâce à de fins branchages, des vitres de verre où s’enveloppent de fins tissus colorés toujours prêts à céder. Uematsu brouille les principes de densité, d’inertie, d’attraction, de gravité, de pesanteur et d’apesanteur dans ses compositions savamment orchestrées. Dans l’espace revisité de l’exposition, les assemblages de formes lourdes se stabilisent comme par magie en des points d’appui improbables qui feront perdre leur latin aux plus émérites des professeurs de sciences physiques. La confusion des genres et des principes s’effectue dans ces sculptures douces, en tension, à l’image de ces trois cônes dorés qui gardent la pose comme par miracle, assemblés par leur pointe acérée et en lévitation au dessus d’une hampe rutilante. Rien de magique là-dedans, les éléments sont maintenus au plafond par un système de fils, mais leur configuration, elle, tient du phénomène. Une démonstration magistrale du zen, un contrôle absolu des tensions, des forces d’attraction et des énergies s’effectuent dans l’art minimal de Keiji Uematsu. Passée la curiosité, le spectateur s’inquiète de sa présence au milieu du champ de force invisible. La pression entre ces éléments familiers qui devraient tomber est palpable et contamine tout l’espace jusqu’au témoin qui retient son souffle. De ces nouvelles pièces que l’imperturbable Keiji Uematsu a conçues comme des haïku, émanent une « force tranquille » et un raffinement bien caractéristiques de la culture japonaise. Comme si de rien n’était, chaque sculpture plonge le visiteur dans cet univers très poétique où le moindre souffle invisible révèle toute sa force.

- PARIS, galerie Baudoin-Lebon, 38, rue Sainte-Croix de la Bretonnerie, tél. 01 42 72 09 10, 4 avril-12 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°526 du 1 mai 2001, avec le titre suivant : Keiji Uematsu

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