Jean-Louis Schoellkopf

L'ŒIL

Le 1 avril 2001 - 649 mots

Photographe engagé, Jean-Louis Schoellkopf utilise son appareil photo comme une arme pour dénoncer « un monde en perpétuelle crise politique ». Le Musée de Louviers et la galerie Aline Vidal à Paris lui consacrent une exposition.

Depuis ses premières images réalisées dans les années 70, Jean-Louis Schoellkopf n’a cessé de s’interroger sur l’activité du photographe, sur la valeur documentaire et artistique d’un médium condamné à enregistrer du mieux possible les aléas de la société régie par le capitalisme. Autant dire que la rigueur de son regard sur des sujets longtemps considérés comme austères n’a pas facilité sa reconnaissance par un milieu artistique plus préoccupé par les modes que par une vraie réflexion sur le territoire, le travail ou la ville. « Dans les années 70, nous étions beaucoup à considérer notre travail photographique comme une sorte de militantisme. Avec les années 80, je me suis aperçu qu’il fallait désormais parler de la mort de l’instrument de travail de toute une classe de travailleurs, la destruction des grandes entreprises qui avaient fait la fortune de certaines régions. Ce mouvement, j’ai très vite vu qu’il s’étendait ensuite à la ville même, à sa structure sociale. Les centres-villes étaient alors vidés de leur population au profit de bureaux. Mes photographies parlent de cela. Elles dressent l’inventaire d’un monde en perpétuelle crise politique ».
Dans l’une de ses commandes récentes, Jean-Louis Schoellkopf s’est intéressé à la dernière filature de Louviers. L’exposition qui clôt ce travail s’ouvre sur de grands tirages couleurs montrant des ouvriers sur les chaînes. Pourtant, une certaine distance nous sépare de ces personnes et des machines. Dans la salle suivante, une série de photographies en noir et blanc propose quelques paysages urbains de cette petite ville proche de Rouen. « A la proximité visuelle, on associe généralement des idées de tension et de concentration. Tous les poncifs du reportage et de la photographie engagée résultent de cette association d’idées. Je me méfie de tout effet d’intensité dramatique. C’est aussi pourquoi je privilégie de plus en plus une vision globale. Un travail photographique n’est pas une addition de moments privilégiés, mais un ensemble d’images ou, mieux, de séquences d’images, qui supposent des équilibres de données, des combinaisons de points de vue ». Il est vrai que la reconnaissance de Jean-Louis Schoellkopf s’était effectuée, il y a quelques années, sur des séries de photographies, des séquences plus exactement, construites comme des essais inachevés de typologies sociales ou urbaines (Les étudiantes des Beaux-Arts de Poitiers, Saint-Etienne : Les salons, Le camping de Bas en Basset). Depuis, ce principe, qui n’exclut pas une certaine mobilité du regard, s’est élargi aux conditions mêmes des commandes qui lui ont
été faites. A Rotterdam et Gênes, Jean-Louis Schoellkopf s’est interrogé sur les mutations de l’espace urbain. Dans le cadre de Gênes, il s’agissait de montrer comment la ville refuse son port, comment elle lui tourne le dos, comment enfin une véritable frontière s’établit entre ces deux zones, symbolisée par une autoroute jamais achevée. Rotterdam fut pour lui l’occasion de repérer l’extrême banalité de ces nouvelles mutations urbaines : une série de jardins, quelques façades, autant de signes qui répondaient à son désir « d’accumuler des choses pour mieux garder l’esprit des occupants de ces habitations ». Ces photographies, tirées en très petit format, sont actuellement exposées à la galerie Aline Vidal. Présentées sous forme de longues séquences qu’il convient de regarder attentivement, ces images alternent avec trois grandes photographies couleurs montrant les transformations de notre territoire, ici l’aménagement d’une autoroute dans le sud de la France. La justesse de ce regard, l’extraordinaire attention qu’il porte aux personnes démontrent sans aucune ambiguïté que nous sommes face à l’une des œuvres les plus fortes produites ces dernières années.

LOUVIERS, Musée, place Ernest Thorel, tél. 02 32 09 58 55, 27 janvier-22 avril et PARIS, galerie Aline Vidal, 70, rue Bonaparte, tél. 01 43 26 08 68, 29 mars-12 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°525 du 1 avril 2001, avec le titre suivant : Jean-Louis Schoellkopf

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