François Bauchet, des meubles taillés dans la masse

L'ŒIL

Le 1 janvier 2004 - 616 mots

Moins célébré que Martin Szekely ou Philippe Starck, François Bauchet appartient à cette génération qui a vu le jour au début des années 1980. Comme ses confrères, il a remporté toutes les étapes qui font de lui un designer accompli : carte blanche du VIA, commandes prestigieuses passées par la fondation Cartier, le musée d’Art et d’Industrie de Saint-Étienne ou la Galerie du Jeu de Paume, édition de ses créations par les prestigieuses galeries Neotu et Kreo mais aussi par de grands industriels que sont Ligne Roset, Cinna, Haviland ou encore Ercuis. Élu designer de l’année en 2002, François Bauchet constitue, par la permanence de son travail, un des points de repère du design contemporain français. Personnage en marge, il s’était réfugié à Saint- Étienne où il enseigne ses conceptions du design à l’école des Beaux-Arts – un établissement qui lui doit beaucoup – avant de revenir à Paris. Cette discrétion singularise aussi son travail : on n’achète pas une table de François Bauchet mais avant tout une table dans laquelle on se reconnaît. Ce qui intéresse François Bauchet, c’est l’individu et son rapport à l’objet. En 1987, dans le cadre de l’exposition « Meubles adressés », chaque meuble était conçu pour une personne précise identifiée par ces seules initiales. Cette démarche sera largement reprise par la génération suivante. D’un point de vue plastique, la compréhension de son style doit tenir compte de sa formation de plasticien. Proche des peintres de la tendance « support-surface » et admirateur des grands ténors américains du minimalisme que sont Sol LeWitt et Donald Judd, il renonça à la sculpture ne parvenant pas à trouver sa propre voie. Ce point de départ dans son parcours artistique transparaît dans sa production de designer. On est frappé par la présence que prennent ses meubles qui semblent tous taillés dans la masse. Ces « sculptures » confèrent aux intérieurs une dimension théâtrale étonnante que le designer explique par leur échelle, lui qui « …aime que les meubles soient en rapport direct avec les personnes ». Du minimalisme, il a retenu l’équilibre des formes et un dépouillement intégral. François Bauchet, en bon designer, n’oublie pas la fonction de ces meubles, mais elle ne constitue pas un but en soi. Il ne cède pas à la froide rigueur des rationalistes. La recherche effrénée des matériaux ne l’obsède pas davantage. Lui qui emploie le sycomore, l’acier galvanisé ou la résine, souligne que « la technique doit être un outil pas un objectif ».
Les jeux formels auxquels s’adonne Bauchet se comprennent comme des résurgences ornementales. Leurs principes ont déjà été exploités sous d’autres règnes mais, sous couvert des doctrines du design, ils prennent un caractère nouveau. L’accentuation donnée à l’échelle des meubles en est une délicate démonstration. L’utilisation de formes prédéfinies pour dessiner ses meubles, dont témoigne la collection « Modules », en est une autre. Ces subtilités plastiques trouvent aussi leur expression dans l’exacerbation des éléments techniques. Le vase La Vie en rose, dessiné en 1998, insiste sur le joint de coulage des deux coques qui le compose plutôt que de le dissimuler. On pourrait également citer la table Studio qui, par sa particularité technique – elle se compose d’un plateau, débarrassé de ses traverses, retenant à lui seul les pieds qui le supportent –, renvoie à l’image d’une table couverte de sa nappe. Cette écriture plastique, spécifique à François Bauchet, se retrouve dans les dernières créations qu’il a réalisées pour les arts de la table. De nouveaux projets doivent voir le jour mais nous aimerions aujourd’hui voir ce talentueux designer se lancer dans des travaux de grande ampleur comme les hôtels, bars et autres lieux publics qui ont rendu célèbre certains de ces camarades.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°554 du 1 janvier 2004, avec le titre suivant : François Bauchet, des meubles taillés dans la masse

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