Varian Fry, le passeur

Un hommage justifié à Aix-en-Provence

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 19 février 1999 - 469 mots

Les temps de guerre sont souvent riches en héros anonymes, en actes de bravoure isolés et oubliés. Il y a quelques années, Steven Spielberg a remis en lumière l’action de Schindler. La Galerie du Conseil général des Bouches-du-Rhône rend aujourd’hui un hommage mérité à Varian Fry, dont le dévouement a permis à tant d’artistes et d’intellectuels de rejoindre, en 1940 et 1941, les États-Unis.

AIX-EN-PROVENCE - Lorsque le 14 août 1940, Varian Fry débarque à Marseille, de nombreux artistes, intellectuels et scientifiques sont déjà installés autour du Vieux-Port, après avoir déserté le Paris occupé. Mandaté par l’Emergency Rescue Committee, le jeune Américain arrivait en France avec une liste de deux cents personnalités “à sauver”, c’est-à-dire à faire passer de l’autre côté de l’Atlantique. Fry, à travers son Centre américain du Secours, va ainsi travailler à faciliter démarches administratives et obtention de visas, pour préparer le départ de créateurs souvent potentiellement mis en danger par les nazis. Il s’installe ensuite, toujours à Marseille, dans le quartier de la Pomme, à la villa Air-Bel. Là, André Breton, Jacqueline Lamba, Lam, Bellmer, Brauner, Hérold, Péret, Dominguez ou Masson l’entourent. Les surréalistes y réalisent même un grand nombre de dessins collectifs, des “cadavres exquis” dont certains sont présentés dans l’exposition d’Aix-en-Provence. Les artistes y élaborent un jeu de cartes inspiré par différents symboles liés à l’amour, au rêve, à la connaissance ou à la révolution.

1500 artistes
Varian Fry s’est occupé de plus de mille cinq cents artistes, permettant par exemple à Marcel Duchamp de quitter le Vieux Continent. Pourtant, malgré la menace que constituaient l’Allemagne nazie et ses agents, nombreux sont les artistes qui ont refusé l’hospitalité américaine. Matisse, Picasso, Kandinsky, Pablo Casals, André Gide, André Malraux ont ainsi préférer rester en France. L’action de ce diplômé de Harvard, qui a rapidement perdu le soutien officiel de son pays, finit par devenir gênante. Varian Fry est expulsé en septembre 1941 et reconduit à la frontière espagnole de Cerbère. Après son retour aux États-Unis, il restera longtemps dans l’ombre. Ce n’est qu’en 1967 que la France le remerciera en le faisant Chevalier de Légion d’honneur. La même année, il meurt à Redding, dans le Connecticut, où il enseignait le latin à la Joel Barlow High School.

La Galerie du Conseil général des Bouches-du-Rhône présente à Aix-en-Provence, jusqu’au 11 avril, un ensemble d’œuvres des artistes qui ont entouré Varian Fry au cours de son séjour marseillais. Une autre exposition est prévue à Marseille, du 18 mars au 30 juin, tandis que les 19 et 20 mars, un colloque réunira historiens et survivants de l’époque autour de la mémoire de cet Américain dévoué.

VARIAN FRY ET LES CANDIDATS À L’EXIL

Jusqu’au 11 avril, Galerie du Conseil général des Bouches-du-Rhône, 21bis cours Mirabeau, 13100 Aix-en-Provence, tél. 04 42 93 03 67, tlj 10h30-18h. Catalogue, Actes Sud, 140 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°77 du 19 février 1999, avec le titre suivant : Varian Fry, le passeur

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