Art contemporain

Paris-16e

Une histoire souterraine du graffiti

Palais de Tokyo – Jusqu’au 7 janvier 2024

Par Stéphanie Lemoine · L'ŒIL

Le 26 septembre 2023 - 332 mots

Porosité -  Dans les institutions, le graffiti se voit le plus souvent dédier un territoire propre, distinct de l’art contemporain.

Son introduction au Palais de Tokyo, il y a une dizaine d’années, n’a d’abord pas fait exception : le Lasco Project regroupait ses meilleurs représentants hors des espaces d’exposition officiels qu’il s’agissait d’infiltrer par degrés. Depuis, son co-initiateur, Hugo Vitrani, a tiré le bilan d’une décennie d’institutionnalisation de l’art urbain. À cet égard, « La morsure des termites », dont il assure le commissariat, a presque valeur de manifeste : en débordant les supposées limites disciplinaires du graffiti, l’exposition souligne sa porosité avec d’autres démarches artistiques. Quitte à dérouter, puisqu’elle ouvre des voies inédites, parfois arides. L’exposition emprunte aux Villes invisibles d’Italo Calvino la figure du termite, qui agit collectivement dans l’ombre pour mieux coloniser son milieu. Cette métaphore lie une cinquantaine d’artistes, dont seule une moitié vient du graffiti, avec pour ambition de mettre au jour des affinités formelles, thématiques, mais aussi amicales. Ce qui permet d’abord d’exposer des pièces jamais montrées dans une exposition d’art urbain : un projet de Sophie Calle présenté au MoMA PS1 et abondamment tagué par les visiteurs, une œuvre de Margaret Kilgallen en face d’une vitrine dédiée au défunt Saeio, des vidéos montrant les raids féministes du collectif Douceur extrême, la Ronde macabre peinte en 1963 par Gérard Zlotykamien… « La morsure des termites » suscite aussi des rapprochements inattendus. Placées à côté de portraits de graffeurs en action réalisés par Martha Cooper, les performances de Valie Export suggèrent un même rapport chorégraphique à la ville. Une vidéo de Hito Steyerl offre une étonnante illustration de la théorie de la vitre brisée et les travaux de Mierle Laderman Ukeles sur la maintenance de l’espace public jettent un éclairage nouveau sur l’effacement des graffitis. Ce parti pris dessine une stimulante contre-histoire du graffiti. Elle renverse du tout au tout son image de « vandale » et le décrit au contraire comme un soin porté à la ville – et plus généralement à l’espace.

« La morsure des termites »,
Palais de Tokyo,13, avenue du Président-Wilson, Paris-16e, palaisdetokyo.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°768 du 1 octobre 2023, avec le titre suivant : Une histoire souterraine du graffiti

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