Société

Tous commissaires !

Par Stéphanie Lemoine · L'ŒIL

Le 23 septembre 2020 - 518 mots

Pont-aven  - Une exposition participative, où les œuvres présentées ont été choisies par le public : c’est la particularité de « Réserve, ouvre-toi ! », à découvrir à partir du 17 octobre au Musée de Pont-Aven, dans le Finistère.

« Le projet a été lancé pendant le confinement, précise Sophie Kervran, sa nouvelle directrice. L’équipe du musée a sélectionné dans les réserves cinquante œuvres rarement présentées au public. Les internautes devaient voter chaque semaine pour des pièces regroupées par thématiques. L’exposition présente celles qui ont récolté le plus de suffrages. » Participatif, l’accrochage l’est donc de bout en bout. En amont, il procède d’un choix opéré au sein des équipes du musée. En aval, il associe aux œuvres sélectionnées par le public des commentaires d’internautes et des cartels conçus lors d’ateliers avec les Amis du musée et le centre socioculturel La Balise. Des lycéens participent également à l’opération via la réalisation de podcasts. « On ne les invite pas à faire un exposé ou un cours d’histoire de l’art, explique Sophie Kervran, mais à transmettre leur propre sentiment face à l’œuvre. » Pour originale qu’elle soit, l’initiative n’est pas inédite : en France, les expositions participatives émergent par petites touches depuis quelques années. Parmi les modèles de « Réserve, ouvre-toi ! », figure par exemple « La Chambre des visiteurs ». Lancé en 2016 par la Réunion des musées métropolitains de Rouen Normandie, le dispositif invite chaque année les publics à choisir dans les réserves des institutions locales les œuvres qu’ils souhaitent voir accrochées. Aux États-Unis, ce type de proposition a déjà plus de dix ans. Dès 2008, le Musée de Brooklyn à New York invitait en effet le public à se faire co-commissaire de l’exposition « Click ! A Crowd-curated Exhibition ». Son titre, éloquent, soulignait d’emblée ce que les expositions participatives doivent à l’avènement du web 2.0, même si leur origine est plus ancienne : les premières démarches visant à associer les habitants à la vie des institutions culturelles voient le jour dès les années 1970 au sein des éco-musées. Elles seraient en somme nées en même temps que la notion de participation.De fait, les musées ne pouvaient rester indéfiniment étrangers à ce modèle, qui plaide pour davantage d’horizontalité dans la prise de décision. A fortiori dans un contexte où la « démocratisation culturelle » leur tient lieu de mission. Inscrite dans un mouvement de crise des autorités, la participation ne va pourtant pas sans écueils : susceptible de flatter les goûts du public, au risque de la facilité et de la démagogie, elle menace aussi de destituer les figures du commissaire d’exposition et du conservateur. Si Sophie Kervran reconnaît volontiers l’existence d’un écart entre les choix des internautes et son approche scientifique, elle y voit plutôt la source d’un dialogue fécond. Elle récuse à ce titre l’idée que la participation soit de nature à dévaluer son expertise. Bien au contraire : « Les expositions participatives permettent de faire connaître notre travail et nos collections, note-t-elle. Il est plus facile de défendre une politique d’acquisition et de restauration quand les visiteurs ont compris que les collections appartenaient à la communauté. » En somme, le dispositif pourrait bien s’avérer un excellent outil de médiation…

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°737 du 1 octobre 2020, avec le titre suivant : Tous commissaires !

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