Tony Cragg : la sculpture comme expérience

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 septembre 2003 - 350 mots

Longtemps estampillé figure majeure de la « nouvelle sculpture anglaise », aux côtés de David Mach ou Bill Woodrow, Tony Cragg a imposé dès les années 1970 son archéologie de la culture urbaine et du quotidien, puis ses masses biomorphes de bronze poli. Pas un musée ou presque qui n’ait acquis une pièce du sculpteur britannique. Lentement mais sûrement, l’artiste s’est bâti un itinéraire sérieux et exigeant, renouvelant patiemment les solutions explorées au gré d’un parcours résolument cohérent. Installé depuis 1977 en Allemagne (il enseigne à la très prestigieuse Kunstakademie de Düsseldorf), c’est dans sa patrie d’adoption que Cragg dispose une fois encore une vingtaine de ses sculptures monumentales, investissant pour l’occasion les jardins du toit de la Kunsthalle de Bonn. Alors qu’il a pris ses distances avec les objets manufacturés disqualifiés par la ville industrielle, Cragg, toujours soucieux de la matière, semble désormais répondre de l’héritage d’un Brancusi ou d’un Moore.
En témoignent ces dispositifs, empilements irréguliers de formes rondes familières et vivantes, signalant encore et toujours le processus dont elles découlent. Les sculptures ainsi livrées à la ville se tiennent tantôt droites et verticales comme autant d’improbables urnes, tantôt comme des compositions fragmentées, démembrées posées au sol, mais toujours référant au vivant. Si le langage de l’artiste semble ces dernières années davantage se préoccuper de la forme, Cragg maintient comme à ses débuts une ferme connexion entre le corps, la matière et l’objet. Les formes, silencieuses assemblées, glissent alors sans cesse d’une perspective à l’autre, d’une instabilité à l’autre, d’une reconnaissance illusoire et furtive à une véritable énigme formelle. La complexité visuelle générée par les formes moelleuses, perforées et toujours changeantes déplace finalement la nature concrète du bronze vers le seul processus fluctuant de l’expérience. Celle de l’objet dévoilant sa propre construction. Celle du spectateur déchiffrant ces organismes incertains, mais toutefois accessibles. Les sculptures récentes de Cragg se posent alors comme le signe d’un événement bien plus que comme une réalité concrète. Une forme intermédiaire.

« Tony Cragg, Signs of life », BONN (Allemagne), Kunst und Austellungshalle, Friedrich-Ebert-Allee 4, tél. 02 28 91 71 200, jusqu’au 5 octobre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°550 du 1 septembre 2003, avec le titre suivant : Tony Cragg : la sculpture comme expérience

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