Art moderne

XIXE-XXE SIÈCLES

Renoir en héritage

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 30 novembre 2018 - 731 mots

PARIS

Le Musée d’Orsay décrit l’empreinte de Pierre Auguste Renoir dans la vie et l’œuvre de son fils Jean, devenu cinéaste.

Paris.« Cette exposition a été lancée à la Fondation Barnes de Philadelphie, qui possède la collection la plus importante au monde de Pierre Auguste Renoir et le plus grand nombre de céramiques de Jean Renoir. » Lorsqu’elle y était conservatrice en chef, Sylvie Patry, désormais conservatrice générale au Musée d’Orsay, a pu réfléchir aux liens entre ces deux grands créateurs, Pierre Auguste Renoir (1841-1919) et Jean Renoir (1894-1979). Depuis l’exposition que la Cinémathèque française leur a consacrée en 2005, « il y a eu beaucoup de recherches sur leurs relations », précise-t-elle. On les découvre à l’exposition du Musée d’Orsay, sans les toiles de la Fondation Barnes, mais avec quelques-unes de ses céramiques signées Jean Renoir.

Sélectionnés par Matthieu Orléan, co-commissaires de l’exposition avec Sylvie Patry, des extraits de films et des épreuves de tournage illustrent, selon le panneau d’introduction, les « points de contact » entre le père et le fils. Ils démontrent aussi leurs différences. Ainsi, au contraire de son père, Jean Renoir aimait le mouvement des corps et des visages sur lesquels il traquait, en gros plan, le passage des émotions. Et si, dans la première salle, le film Partie de campagne (1936) évoque le pleinairisme du peintre, le texte explicatif précise que le cinéaste préférait les tournages en studio. Vis-à-vis de l’écran de Partie de campagne est présentée la toile La Balançoire (1876). La robe à nœuds qu’y porte une jeune femme a été en partie copiée pour le film. Elle est portée par la replète mère de l’héroïne.

La deuxième section, « La création en héritage », montre des céramiques de Jean Renoir. Initié à cet art par son père et son frère Claude, il y renonça à la fin des années 1920, persuadé que les rares acheteurs n’étaient intéressés que par le nom de Renoir. Ici, est aussi évoquée l’attitude du cinéaste vis-à-vis des œuvres du peintre. Il a très vite vendu la plupart de celles dont il a hérité ; puis, à partir de 1940, a voulu en racheter. Elles étaient devenues inabordables et il ne put en réunir que quelques-unes. Cette relation à contretemps est encore illustrée dans la salle suivante, consacrée aux « Portraits et modèles ». On y voit le petit Jean peint par son père dans les bras de sa nourrice, Gabrielle Renard. Aline, l’épouse du peintre, finit par renvoyer cette cousine, modèle pour Pierre Auguste : elle était trop proche du grand homme. Après la mort de ses parents, Jean fut témoin à son mariage et la retrouva ensuite aux États-Unis. Il y recueillit ses souvenirs, qui vinrent nourrir son livre sur son père. Protectrice et médiatrice, Gabrielle occupait le petit Jean au cours des interminables séances de pose exigées par le peintre.

Dédée, une muse partagée

Plus tard, une autre femme fut à son tour témoin et actrice de la relation du père et du fils : Andrée Madeleine Heuschling (1900-1979), dite « Dédée », jeune modèle pulpeux et incandescent découverte par Aline Renoir en 1915 et présente sur pas moins d’une centaine de ses tableaux dont Blonde à la rose (vers 1915-1917) et Nu couché vu de dos (1917). « Elle était le dernier cadeau que ma mère avait fait à mon père avant de mourir », raconta Jean Renoir sans y voir malice. Aussitôt son père mort, il épousa la jeune femme. Pour financer les films dont Dédée – devenue la mince et fatale Catherine Hessling – tiendrait le premier rôle, il vendit les tableaux de Pierre Auguste. Cette actrice passionnée fut une « accoucheuse » de la carrière de cinéaste de Jean qui avoua : « Je n’ai mis le pied dans le cinéma que pour faire de ma femme une vedette. »

La suite de l’exposition est davantage vouée au cinéma qu’à la peinture. Dans une salle consacrée à Paris, L’Attente (à Grenelle) de Toulouse-Lautrec est un magnifique exemple des œuvres qui ont pu nourrir l’inspiration de Jean Renoir qui se disait « un homme du XIXe siècle ». La dernière salle est consacrée à son premier film en couleurs, Le Fleuve (1951). « Quand il tournait en noir et blanc, précise Matthieu Orléan, il était très soucieux des nuances de gris. Travailler la couleur avait un sens pour lui. Pour Le Fleuve, il repeignait le décor et même les plantes qu’il allait filmer. » Il avait fait la paix avec la mémoire de son père.

Renoir, père et fils. Peinture et cinéma,
jusqu’au 27 janvier, Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°512 du 30 novembre 2018, avec le titre suivant : Renoir en héritage

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