Art contemporain

Que tout change pour que rien ne change

Par Stéphanie Lemoine · L'ŒIL

Le 4 septembre 2023 - 543 mots

L’artiste Robert Alice déploie à la Monnaie de Paris une série d’œuvres physiques et de NFT. Une manière de souligner les liens entre création monétaire « classique » et cryptomonnaies.

Un dialogue étonnant se noue en ce moment à la Monnaie de Paris : avec « Babel », la plus ancienne institution de France s’ouvre pleinement à la blockchain, cette technologie de stockage et de transmission des informations décentralisée. Jusqu’au 22 octobre, une exposition présente une vingtaine d’œuvres physiques et numériques de Ben Gentilli. Plus connu sous le nom de Robert Alice, cet artiste anglais y décline son credo : la volonté de tisser des liens entre l’art contemporain et les cryptomonnaies nées dans le sillage de la crise financière de 2008. À ce titre, les œuvres qu’il présente à Paris sont également en vente sous forme de NFT sur la plateforme laCollection.io, dont la mission est de multiplier les partenariats avec les musées pour jeter des ponts entre collectionneurs et crypto-artistes. Sans doute Robert Alice était-il le mieux placé pour faire pleinement entrer le web 3.0 à la Monnaie de Paris. Parce qu’il associe blockchain et création d’œuvres physiques, l’artiste a beaucoup fait pour la reconnaissance du crypto-art par les institutions.

Un portrait de l’inventeur de la blockchain

En 2018, il s’attèle au projet Portraits of a Mind. L’œuvre consiste en quarante disques peints de 128,5 cm de diamètre, évidés en leur centre à la façon des anciennes pièces de monnaie chinoises ou japonaises. Chacun d’entre eux porte l’inscription « block » (comme blockchain), suivie d’un numéro. Comme son titre l’indique, l’ensemble forme un portrait, celui de Satoshi Nakamoto, insaisissable inventeur du Bitcoin. Puisque nul ne connaît le visage de ce personnage et n’est certain de son existence, Robert Alice l’a représenté à l’image de son invention : sous la forme d’un long code informatique décentralisé et partiellement dématérialisé. Les quarante disques de Portraits of a Mind recèlent chacun un fragment du code du Bitcoin, et sont conçus pour être disséminés dans quinze villes sur cinq continents. En octobre 2020, le Block 21 a été mis en vente chez Christie’s accompagné d’un NFT. Son adjudication pour la coquette somme de 131 000 dollars signe alors l’emballement des médias et collectionneurs pour la blockchain. Quelques mois plus tard, Robert Alice sera commissaire de la vente Natively Digital chez Sotheby’s. En 2023, il se voit aussi confier la rédaction d’une somme de 600 pages sur les NFT, à paraître aux éditions Taschen.

Une histoire qui se répète

Les œuvres rassemblées dans « Babel » s’inscrivent clairement dans la lignée de Portraits of a Mind, dont plusieurs déclinaisons sont d’ailleurs présentées à la Monnaie de Paris. Plutôt que de désigner les cryptomonnaies comme une rupture majeure, l’exposition s’attache à suggérer ce qui les lie à la très longue histoire de la finance. Pour ce faire, Robert Alice a pioché dans les collections et l’architecture du Quai Conti les ferments d’un dialogue autour d’un point commun : l’instabilité de l’argent. Omniprésentes dans l’exposition, les technologies les plus pointues (intelligence artificielle, scans Lidar permettant de cartographier un bâtiment en 3D grâce à un laser, etc.) n’effacent pas cette idée que l’histoire monétaire bégaie : qu’elle soit centralisée ou pas, physique ou numérique, celle-ci s’avère une succession de crises, de bulles spéculatives et de poussées inflationnistes.

À VOIR
Robert Alice, « Babel »,
Monnaie de Paris, 11, quai Conti, Paris-6e, www.monnaiedeparis.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°767 du 1 septembre 2023, avec le titre suivant : Que tout change pour que rien ne change

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