École nationale supérieure des beaux-arts

Paris, l’école de la liberté

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 19 novembre 2009 - 363 mots

Depuis les âpres débats entre traditionalistes et modernistes qui ont marqué l’histoire de l’art durant la seconde moitié du XIXe siècle, l’École des beaux-arts de Paris est souvent perçue comme le berceau du conformisme le plus plat.

Il n’en fut pas toujours ainsi. Certaines œuvres produites par les élèves et les maîtres à l’époque où l’école s’appelait Académie royale de peinture et de sculpture attestent avec force que les interrogations sur la liberté de création apparurent très vite.
   
    Fondée en 1648 par de jeunes artistes réunis autour de Charles Le Brun, l’Académie, placée sous l’autorité directe du souverain, permet d’échapper à la toute-puissance des corporations. Lieu de rencontres et d’enseignement, elle accueille gratuitement des élèves d’origines sociales très diverses. Sensibles à la culture frondeuse et séditieuse de la capitale, les peintres et les sculpteurs, rejoints plus tard par les graveurs, réagissent aux contraintes imposées par le pouvoir monarchique et catholique.
   
    Sous l’influence des salons précieux, l’esprit contestataire gagne les artistes. Enfreignant ses propres règlements, l’Académie accueille des protestants et des femmes. S’il faut peindre Louis XIV, il est représenté sous les traits d’Hercule ou d’Alexandre le Grand : le premier ne brille ni par l’intelligence ni par la beauté, le second défie les dieux.
   
    Sous Louis XV, les artistes apprécient les sujets sensuels et amoraux. Même les thèmes religieux semblent bien luxurieux sous les pinceaux des jeunes Natoire et Fragonard. Le xviiie siècle voit le triomphe de l’artiste philosophe. Houdon, Hubert Robert, Maurice Quentin de La Tour fréquentent les écrivains. Ils aiment aborder des thèmes sociaux ou politiques, honorant les victimes du despotisme ou le mérite des gens du peuple.
   
    La Révolution trouve les artistes de l’Académie prêts à participer avec enthousiasme au mouvement révolutionnaire. L’atelier de David voit affluer l’Europe artistique et démocratique. Savante, incisive, l’exposition s’achève sur l’idée que la liberté est un concept bien fragile : à partir de 1790, les lauréats choisis par les jurys du grand prix de peinture sacrifient à la propagande révolutionnaire, contre-révolutionnaire ou napoléonienne.

« Être artiste à Paris - 1648-1817 », École nationale supérieure des beaux-arts, 13, quai Malaquais, Paris VIe, www.ensba.fr, jusqu’au 10 janvier 2010.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°619 du 1 décembre 2009, avec le titre suivant : Paris, l’école de la liberté

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque