Otto Dix, dans les yeux de ses contemporains

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 29 janvier 2008 - 382 mots

Le Kunstmuseum de Stuttgart, qui conserve le plus grand nombre de Dix au monde, questionne l’activité de portraitiste du peintre en exposant certains de ses prédécesseurs et suiveurs.

À la journaliste Sylvia von Harden qu’il rencontre dans une rue de Berlin en 1926, Otto Dix se serait écrié enthousiaste : « Je dois vous peindre ! Il le faut absolument ! [...] Vous représentez toute une époque ! » Il la peint effectivement cette même année, monocle sur œil blasé, cheveux courts, cigarette entre doigts longs et bas bouchonnant sous la robe. Il la peint elle et tant d’autres, marchands, docteurs, danseuses, prostituées, acteurs, politiciens ou hommes d’affaires. Le demi-monde et l’élite, dont il met en scène intérieur et extérieur, plis et psychisme avec acidité et acuité brutale pendant une quinzaine d’années.

Ni accusation, ni dénonciation
« Les plis des vêtements, l’attitude de la personne, ses mains, ses oreilles, explique le peintre allemand, informent tout de suite le peintre sur l’âme de son modèle ». Commande ou étude, analyses de l’âme, du type ou de l’individu, les portraits de Dix mettent le doigt et le pinceau sur l’esprit du temps, le Zeitgeist. Celui de la chancelante république de Weimar qu’il analyse avec une intransigeante lucidité.
Il n’accuse pas. Ne dénonce pas. Attentif, il enregistre et révèle, a contrario de l’épisode subjectiviste des expressionnistes avant guerre. Parfois cruel, toujours minutieux, fasciné ici par une peau rose, là par un sillon ingrat sur un visage, ici encore par une sexualité décatie, Dix portraiture avec un réalisme cru, à l’exception des enfants qu’il épargne en empruntant aux maîtres anciens. Du caricatural acerbe et excessif de l’après-guerre aux portraits d’un ridicule mélancolique d’avant la chape de 1933, le genre lui permet la représentation objective de l’impur tout en maintenant un irréprochable savoir-faire de peintre. Terriblement lisible.
Le Kunstmuseum de Stuttgart, déjà riche du plus grand fonds Dix, s’offre un retour exceptionnel sur les portraits du peintre. Pas moins d’une soixantaine de tableaux rassemblés pour la première
fois. Une galerie que le parcours enveloppe et entrecoupe d’un large coup d’œil historique sur la peinture de portrait. En résulte l’annexion curieuse d’une sélection éclectique de quatre-vingt-huit portraits, qui alternent échos avérés  – Cranach –, associations avec les contemporains – Kirchner ou Kokoschka – et héritiers incertains – Warhol, Bacon, Richter ou Tillmanns.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°599 du 1 février 2008, avec le titre suivant : Otto Dix, dans les yeux de ses contemporains

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