Italie - Art moderne

XIXE SIÈCLE

Naples au XIXe séduit toujours autant

ROME / ITALIE

À Rome, une exposition tire de l’ombre un siècle méconnu au cours duquel Naples, alors en plein déclin politique et économique, continue à attirer des artistes de toute l’Europe.

Silvester Feodosievic Scedrin (1791-1830), Vue de Margellina à Naples, 1826, collection privée, Naples. © DR
Silvester Feodosievic Scedrin (1791-1830), Vue de Margellina à Naples, 1826, collection privée, Naples.
© D.R.

Rome (Italie). Avec « Naples Ottocento… », le musée des Scuderie del Quirinale se penche sur un siècle que l’on n’associe pas immédiatement aux fastes de la cité parthénopéenne, notamment ceux du « Grand Tour », au siècle précédent, dont elle fut l’étape incontournable. L’étoile artistique napolitaine n’est pourtant pas encore complètement éteinte et de nombreux peintres du nord de l’Europe continuent à venir y puiser leur inspiration, attirés par le charme des ruines des sites archéologiques alors tout juste découverts à Pompéi et Herculanum. C’est ce que montre l’exposition réunissant environ 250 œuvres d’artistes prestigieux : Edgar Degas (aux origines paternelles napolitaines), William Turner, Vincenzo Gemito, Antonio Mancini, Giuseppe De Nittis, Domenico Morelli ou John Singer Sargent

Edgar Degas (1834-1917), Thérèse de Gas, vers 1863, huile sur toile, Paris, Musée d'Orsay. © Archivio Scala Group, Antella. © DeAgostini Picture Library
Edgar Degas (1834-1917), Thérèse de Gas, vers 1863, huile sur toile, Paris, Musée d'Orsay.
© Archivio Scala Group, Antella.
© DeAgostini Picture Library

« C’est mon hommage à Naples mais aussi un grand merci », commente le commissaire de l’exposition Sylvain Bellenger – avec Carmine Romano, Jean-Loup Champion et Isabella Valente. C’est à Naples, en 1980, devant une crucifixion de Masaccio au Musée Capodimonte qu’il décide d’abandonner sa carrière de philosophe pour se consacrer à celle d’historien de l’art. Il y revient en 2015 non en tant que visiteur mais en prenant la direction de l’institution – qu’il a quittée avec regret en début d’année.

L’exposition a été organisée avec la collaboration de la Galleria Nazionale d’Arte Moderna e Contemporanea et l’Accademia di Belle Arti di Napoli. « Le XIXe siècle napolitain est le meilleur du XIXe siècle italien, estime Sylvain Bellenger. Celui de l’unification de l’Italie, qui a certes marqué une chute dans le domaine économique et politique pour Naples, mais pas dans celui de l’art. Il s’est au contraire régénéré précisément à cause de la crise. L’exposition joue aussi ce rôle : la qualité de la production artistique transalpine du XIXe siècle souffre de préjugés négatifs, influencés non pas par l’ignorance, mais par la “méconnaissance” : l’exposition veut aussi dissiper cette impression erronée. »

Les précurseurs de l’impressionnisme

Un élégant parcours thématique a été aménagé en tirant profit de l’architecture des lieux. Après avoir gravi les escaliers menant au premier étage, le visiteur plonge dans l’exposition qui s’ouvre par des vues des éruptions du Vésuve qui ont fasciné tant d’artistes à la fin du XVIIIe siècle et au tournant du XIXe. Un visage sublime et furieux de la nature auquel succède celui plus bucolique ou élégiaque des représentants de l’école du Pausilippe privilégiant, dans leur « révolution en plein air », la tradition de la veduta et les paysages à la tendre luminosité du Néerlandais Anton Sminck Pitloo, du Napolitain Giacinto Gigante ou du Gallois Thomas Jones avec son chef-d’œuvre, A Wall in Naples, conservé habituellement à la National Gallery de Londres. De véritables précurseurs de l’impressionnisme.

Un hommage appuyé est rendu à Edgar Degas qui arrive à 22 ans au pied du Vésuve pour rejoindre son grand-père Hilaire de Gas, qui avait fui Paris pendant la Terreur. Le portrait de Thérèse de Gas, l’une des sœurs de l’artiste qui pose à Naples, prêté par le Musée d’Orsay, a d’ailleurs été choisi pour être l’affiche de l’exposition [voir ill.]. Les visiteurs pourront apprécier les cinq œuvres les plus importantes de sa période napolitaine provenant de l’Art Institute of Chicago et du Cleveland Museum of Art, mais surtout le célèbre Château du Sant’Elmo (1856) du Fitzwilliam Museum de Cambridge, très rarement montré.

À l’orée du XXe siècle

Trois sections de l’exposition s’attachent à l’imaginaire néo-pompéien nourrit par les découvertes archéologiques et qui se déploient non seulement dans des toiles, mais aussi dans des sculptures et des objets imitant ceux de l’Antiquité.

Les mouvements orientalistes et véristes exaltés par leurs chefs de file napolitains Domenico Morelli et Vincenzo Gemito sont au cœur de ce voyage à Naples au XIXe siècle qui ne fait pas l’impasse sur les représentations de la vie mondaine de Giuseppe De Nittis. Le travail d’Antonio Mancini est caractérisé par un matérialisme dense : « Chez lui, la matière est le véritable sujet, explique Sylvain Bellenger. Il la laisse entrer sur sa toile, éclatante, envahissante et dénuée de forme pour qu’elle devienne l’objet même de l’œuvre, remplaçant son sujet. » Il anticipe ainsi de plusieurs décennies les qualités typiques de la saison « informelle » au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. « C’est pourquoi j’ai voulu exposer des œuvres de Medardo Rosso, Lucio Fontana, Alberto Burri et Salvatore Emblema, où cette matière-sujet explose, explique Sylvain Bellenger. Ce sont des artistes en qui vibre l’héritage du XIXe siècle napolitain ». Celui de la matière sublimée.

Napoli Ottocento. Degas, Fortuny, Gemito, Mancini, Morelli, Palizzi, Sargent, Turner,
jusqu’au 16 juin, Scuderie del Quirinale, 16, via Ventiquattro Maggio, 00186 Rome, Italie.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°632 du 26 avril 2024, avec le titre suivant : Naples au XIXe séduit toujours autant

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