Art ancien

HISTORIOGRAPHIE

Marie-Antoinette, une postérité plurielle

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 28 novembre 2019 - 474 mots

PARIS

Paris. Marie-Antoinette d’Autriche, reine de France de 1774 à 1792, guillotinée en 1793 est, depuis son mariage avec Louis XVI en 1770 jusqu’à nos jours, un personnage aux multiples échos.

Étudier son image revient à plonger dans un kaléidoscope mêlant légende noire et dorée.

C’est pourtant le défi que s’est lancé Antoine de Baecque, historien, critique de cinéma et de théâtre, enseignant à l’École normale supérieure. Ce spécialiste de l’histoire culturelle du XVIIIe siècle a construit un parcours efficace, pluridisciplinaire, foisonnant et pédagogique pour mettre en lumière les instrumentalisations politiques du XIXe et la naissance de la pop culture au XXIe siècle autour de la figure de la reine. « Lucides, nous pouvons étudier de manière critique et politique, à travers les genres visuels de toutes sortes, cette grande fabrique des images et des représentations, ces multiples réécritures de la mémoire de Marie-Antoinette », écrit le commissaire dans le catalogue de l’exposition.

Post-mortem

À la différence de la grande exposition du Grand Palais, en 2008, qui retraçait le parcours historique de la souveraine et éclairait sa personnalité au plus près de la production de son temps, le parcours proposé à la Conciergerie s’intéresse aux deux siècles qui suivent l’exécution de la reine.

On est plongé d’emblée en 1792, à la Conciergerie même : un portrait au pastel inachevé de la reine, par Alexandre Kucharski (voir ill.), chargé du drame de la situation, accueille le visiteur. L’acte d’accusation de « la veuve Capet », la dernière lettre de la reine à sa belle-sœur Madame Élisabeth et les « reliques » récupérés après son exécution fixent également les bases de la représentation de Marie-Antoinette en reine outragée, martyre des atrocités des révolutionnaires.

En contrepoint, les républicains ne sont pas en reste de caricatures violentes et de gravures obscènes, diffusées sous le manteau : sortis de l’Enfer de la Bibliothèque nationale de France, ces ouvrages licencieux illustrent l’ambivalence de la figure de la reine. Cartels et panneaux de salle tracent des repères critiques pour guider le visiteur entre les idéologies et les propagandes successives du XIXe siècle. Ainsi du fameux « collier de la reine », dont une reconstitution figure dans le parcours. Démêlant le vrai du faux, le texte pointe la dénomination impropre du collier, qui n’appartint jamais à la reine.

Le cinéma s’empare de Marie-Antoinette au XXe siècle, dans de grandes fresques historiques. Sa figure surgit périodiquement dans les arts et la mode. Surtout, la publication du roman Marie-Antoinette d’Antonia Fraser, en 2001, relance l’intérêt : en 2006, Sofia Coppola adapte l’ouvrage et fait de la reine une figure adolescente rebelle. Pour Chantal Thomas, auteure des Adieux à la reine en 2002, interrogée dans le catalogue par Antoine de Baecque, « ce qui demeure, c’est le rapport de Marie-Antoinette à la mode, à la beauté, aux sentiments, à une forme de modernité de la vie privée. Elle revient donc comme un fantasme de reine ».

Marie-Antoinette, métamorphoses d’une image,
jusqu’au 26 janvier 2020, Conciergerie, 2 boulevard du Palais, 75001 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°534 du 29 novembre 2019, avec le titre suivant : Marie-Antoinette, une postérité plurielle

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