Histoire de l'art

DE L’ANTIQUITÉ À NOS JOURS

Les temps de l’amour

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 18 octobre 2018 - 692 mots

Le Louvre-Lens livre une chronologie de la relation amoureuse au travers, surtout, du regard de l’homme sur la femme.

Lens (Pas-de-Calais). L’amour : vaste sujet ! C’est celui auquel le Louvre-Lens, qui entend conduire une série d’expositions sur de grands thèmes universels, s’est attaqué. La gageure n’était pas tant de rassembler des œuvres pouvant évoquer le sentiment ou la relation amoureuse. Les témoignages artistiques de la séduction, du couple, du mariage ou encore de l’acte sexuel sont en effet innombrables, en particulier au Louvre (lire l’encadré). Il s’agissait surtout de construire un propos autour de cette notion tentaculaire. Les commissaires ont ainsi établi une chronologie de l’amour et de la manière dont il est représenté depuis les mythes fondateurs à nos jours. « Si chacun connaît des histoires d’amour, il existe bien une histoire de l’amour », affirme Zeev Gourarier, commissaire et directeur scientifique des collections du MuCEM (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée), à Marseille.

L’histoire qu’il a écrite ici avec Dominique de Font-Réaulx, directrice du Musée national Eugène-Delacroix (Paris), est essentiellement occidentale et hétérosexuelle. Si le parcours n’exclut pas complètement l’homosexualité masculine – il se réfère d’ailleurs au célèbre mythe de l’amour rapporté dans Le Banquet de Platon où les trois espèces d’hommes coupés en deux veulent retrouver leur moitié –, il donne surtout à voir comment chaque époque a contribué à la définition de la relation amoureuse homme-femme. Une relation qui commence mal. C’est en effet au pouvoir de séduction exercé par la femme sur l’homme que les grands mythes (d’Ève à Pandore) imputent les malheurs de l’humanité. À travers sept chapitres thématiques il est montré comment chaque époque, en relisant les précédentes plutôt qu’en les occultant, a participé à réhabiliter progressivement le sentiment amoureux. Et comment les codes de l’amour ont évolué vers des pratiques valorisant le désir des partenaires de se plaire mutuellement. Aux scènes de rapt antiques – popularisées par Ovide –, qui glorifient la soumission d’un individu à la volonté d’un autre, succèdent, à la Renaissance, les scènes d’échange de portraits entre les amants qui mettent l’accent sur l’importance des choix individuels pour les deux partis.

L’image de la femme

Dans ce parcours qui explore l’amour courtois, la galanterie, le libertinage, l’irruption de l’amour dans la sphère matrimoniale…, c’est la femme qui est mise au premier plan. Suspectée, conspuée, rachetée par la figure de Marie (à condition d’être vierge ou mère), célébrée en suzeraine par son chevalier ou fantasmée, son image semble avoir été sans cesse définie et redéfinie par le regard masculin, qui s’exprime ici triomphalement. Le parcours souligne le passage, pour la femme, du statut d’objet à celui de sujet. Ce n’est pas fortuit si le voyage se termine sur la présentation de quelques sérigraphies amoureuses de Niki de Saint Phalle, une des rares artistes femmes présentes dans l’exposition. « Nous avons voulu montrer la liberté progressive de la femme à conquérir son propre sentiment et son plaisir », explique Dominique de Font-Réaulx. Il est dommage que les commissaires aient reculé devant le défi ultime en ne réservant à la période moderne et contemporaine, fondamentale pour parler nouveaux modèles amoureux, reconfiguration des rôles et émancipation féminine, qu’une toute petite place.

Quelles œuvres pour illustrer l’amour ?  

Prêts. Une quarantaine de musées français et deux institutions anglaises ont prêté au Louvre-Lens environ 250 œuvres en relation avec la thématique amoureuse. Une grande partie de ces pièces provient, sans surprise, des collections du Louvre même. « Tous les départements du musée ont été sollicités », affirme le co-commissaire Zeev Gourarier. Parmi ces pièces s’exposent nombre de chefs-d’œuvre tels l’urne cinéraire de Cerveteri à l’effigie d’époux étrusques réunis dans la mort, la très courtoise tapisserie du Don du cœur, Le Verrou de Fragonard, tableau célébrissime s’il en est, ou le très érotique groupe sculpté Satyre et bacchante de James Pradier. La Bibliothèque nationale de France est également un prêteur de choix pour avoir ouvert largement les portes de ses « enfers », espaces regroupant des ouvrages qui furent considérés, en leur temps, comme immoraux, licencieux et proscrits. Ici, des petites caches à soulever dissimulent des couples en plein ébat, illustrant des petits ouvrages libertins du XVIIIe siècle.

 

Margot Boutges

Amour,
jusqu’au 21 janvier 2019, Louvre-Lens, 99, rue Paul-Bert, 62300 Lens.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°509 du 19 octobre 2018, avec le titre suivant : Les temps de l’amour

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