Musique

XXE-XXIE SIÈCLES

Les riches hybridations de l’opéra et des arts

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 5 septembre 2019 - 519 mots

Le Centre Pompidou-Metz met en scène les relations qu’entretient l’art lyrique avec les arts visuels, à travers des collaborations entrées dans l’histoire.

Metz (Moselle). Une chronique du quotidien LeMonde le rappelait cet été : l’opéra est « l’art le plus coûteux puisqu’il les réunit tous ». En se penchant sur le genre lyrique, le Centre Pompidou-Metz ne s’intéresse cependant en aucune façon à son modèle économique mais bien à la « créativité inouïe qu’il autorise », ainsi que le souligne Emma Lavigne, l’ex-directrice du musée, nommée depuis à la tête du Palais de Tokyo.

Pensée « comme un spectacle » par le commissaire et metteur en scène Stéphane Ghislain Roussel, qui a fait appel à la scénographe et costumière Małgorzata Szczesniak, l’exposition s’attache à montrer l’attractivité de cet « art total » pour nombre de plasticiens. Et comment certains d’entre eux y ont puisé leur inspiration.

Le sujet est riche, et il pourra même sembler quelque peu touffu, d’autant que les dix « actes » du parcours alternent des thématiques savantes – « chemin biblique et synesthésie spirituelle » par exemple – avec des focus sur des œuvres phares, comme La Flûte enchantée. Pourtant, même les néophytes sauront s’y frayer un chemin : ils découvriront au passage des pièces rares, voire rarissimes, tels les dessins aux crayons de couleur sur papier-calque d’Oskar Kokoschka pour les décors de Die Zauberflöte montée en 1955 à Salzbourg ; une Étude pour une composition scénique de Kandinsky ; une partition du Prometeo de Luigi Nono ou encore la somptueuse maquette construite par Max et Gotthold Brückner pour Parsifal. L’exposition réveille également des visions extraordinaires, comme celles de l’hallucinant Einstein on the Beach, né de la rencontre de Bob Wilson et de Philip Glass, qui composa sa musique d’après les esquisses du metteur en scène.

Elle suscite aussi quelques regrets : par définition éphémère, et alors que les premières captations ne furent autorisées qu’au milieu des années 1970, cet art de la représentation laisse derrière lui peu de traces. De To Be Sung, créé en 1994 au théâtre des Amandiers à Nanterre et associant Pascal Dusapin, à James Turrell, il ne demeure que quelques photos et diagrammes. Mais on sait que James Turrell y eut pour la première fois recours au polychromatisme. Car la création d’un spectacle déborde souvent largement l’espace et la temporalité de la scène.

C’est le cas avec le projet fou, mais bien réel, de Christoph Schlingensief, connu pour son interprétation inédite de Wagner mais aussi pour avoir fondé, voilà dix ans au Burkina Faso, un « village-opéra » conçu par l’architecte Francis Kéré, entreprise forte et originale dont l’évocation a toute sa place ici. On pourra en revanche regretter qu’aucune mention ne soit faite du travail de mise en scène d’opéras d’un vidéaste comme Pierrick Sorin, très actif en la matière. Car l’opéra multiplie les incursions dans l’art contemporain : c’est ce que rappelle en guise de conclusion, ou de « bande-annonce », le film Les Indes galantes (2017) de Clément Cogitore, lequel met en scène à partir du 26 septembre sa version de l’œuvre de Rameau à l’Opéra Bastille. Prolongeant l’exposition, le catalogue établit une passionnante recension de ces échanges entre art lyrique et arts visuels.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°528 du 6 septembre 2019, avec le titre suivant : Les riches hybridations de l’opéra et des arts

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