Peinture ancienne

Les Flamands à la conquête du paysage

Le Journal des Arts

Le 28 mai 2004 - 684 mots

Sur les traces de Joachim Patinir, inventeur du genre, Paul Bril, Pieter Brueghel l’Ancien ou Rubens se sont essayés à la peinture de paysage. Démonstration au Musée royal des beaux-arts d’Anvers.

 ANVERS - Initiée avec les expositions « Rubens collectionneur » et « La Bibliothèque de Rubens » (lire le JdA n° 190, 2 avril 2004), l’année dévolue au maître flamand à Anvers se poursuit ce printemps avec « L’invention du paysage, de Patinir à Rubens ». Organisée au Koninklijk Museum voor Schone Kunsten (Musée royal des beaux-arts), la manifestation évoque, à travers 80 peintures et une vingtaine de dessins, le rôle joué par les maîtres des Pays-Bas méridionaux dans la naissance et l’essor de ce nouveau genre. À la fois chronologique et thématique, le parcours dresse en six sections (« L’invention du paysage », « La nature pour ennemie », « Le rythme de la nature », « Dessins et gravures », « Le Paradis », « Le paysage en tant que document », « Miroir de vitalité ») les divers avatars de la peinture de paysage, et son évolution entre 1520 et 1650. Panneaux explicatifs, cartels et catalogue sont rédigés uniquement en néerlandais, mais un fascicule en français reprenant les grandes articulations du parcours est proposé à l’entrée. « Au XVe siècle, le paysage apparaît dans les œuvres des primitifs flamands en tant que décor de scènes religieuses. À partir de 1500, […] ces mêmes scènes semblent être devenues un prétexte à rendre la nature », rappelle l’opuscule. Un constat conforté par la contemplation de cinq paysages attribués à Joachim Patinir (1465/1485-1524), premier paysagiste flamand. Ces tableaux ne font pas encore l’économie du récit, mais les épisodes bibliques y occupent une place mineure. Les représentations de la fuite en Égypte ou de saint Jérôme soignant le lion blessé participent, au même titre que les paysans moissonnant leurs champs, de ce goût de l’anecdote indissociable du paysage nordique. De discrètes figures saisies dans leurs activités familières émaillent en effet ces panoramas alternant massifs rocheux fantastiques et vallées rappelant la campagne anversoise. Cette alternance, de même que la prédilection pour une ligne d’horizon très haute et une construction en trois plans colorés (rochers bruns, campagne verdoyante et lointain bleuté), feront des émules tout au long du XVIe siècle (Lucas Gassel, Herri Met de Bles ou Cornelis Metsys).

Le bonheur est dans le pré
La succession des saisons, thème popularisé par Pieter Brueghel l’Ancien, donne naissance au XVIe siècle à une nouvelle vision du paysage : les vues féeriques de Patinir laissent place à des fêtes et activités villageoises sur fond de campagne pittoresque. Autre sujet propice au rendu paysager, le Paradis terrestre devient l’un des classiques du XVIIe siècle, en particulier sous le pinceau de Jan I Brueghel. Surnommé « Brueghel de Velours » en raison de sa manière brillante et raffinée, le second fils de Brueghel l’Ancien excelle dans les vues de clairières luxuriantes où cohabitent harmonieusement tous les animaux de la création. Dans son Paradis venu des Staatliche Museen de Berlin (vers 1620), les arbres fruitiers et les couples de perroquets, lions et chevreuils ont définitivement détrôné Adam et Ève, minuscules figures reléguées à l’arrière-plan du tableau. Cette évolution vers une nature plus vériste et non subordonnée à la narration transparaît également dans les paysages panoramiques de Jacob Grimmer (Vue de Kiel, 1578), Pieter Pourbus ou David Teniers II, influencés par l’émergence d’une nouvelle discipline, la cartographie. Avec Rubens, qui clôt la visite, le paysage fait la synthèse des apports nordiques et italiens, et acquiert une liberté de facture sans précédent dans la tradition flamande. Le dynamisme de sa touche, par endroits quasiment impressionniste, l’harmonie brun-doré de sa palette et son approche sans artifices de la nature (Le Paysage à la charrette, 1635, National Gallery de Londres) en font un interprète à part dans ce domaine.

L’INVENTION DU PAYSAGE, DE PATINIR À RUBENS 1520-1650

Jusqu’au 1er août, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, L. De Waelplaats, Anvers, tél. 32 3 237 75 09, tlj sauf lundi, 10h-17h, dimanche 1h-18h, www.rubens2004.be. Catalogue (en néerlandais), couverture rigide 43 euros, couverture souple 33 euros, fascicule en français, 1 euro.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°194 du 28 mai 2004, avec le titre suivant : Les Flamands à la conquête du paysage

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