Architecture

Le ruban de la connaissance

Par Sophie Trelcat · Le Journal des Arts

Le 30 décembre 2014 - 758 mots

Située en proue du quartier du port de Choisy-le-Roi, la nouvelle médiathèque de Brénac & Gonzalez déroule ses volumes en forme d’une spirale symbolisant le savoir.

CHOISY-LE-ROI - Baptisée Choisy-le-Roi au XVIIIe siècle, parce que Louis XV y avait fait l’acquisition de son château le rapprochant de ses terrains de chasse, la commune du Val-de-Marne possède le charme des villes implantées en bordure d’eau. Exceptionnellement étalée de part et d’autre de la Seine, son port y jouait à l’époque un rôle de relais entre le sud de Paris et Versailles. Aujourd’hui, avec la fin de ses activités industrielles, les voies sur berges sont en pleine mutation. Peu à peu, elles se transforment en longues promenades piétonnes et les deux bords sont reliés depuis 2006 par un passeur, en service de mai à fin septembre. C’est non loin de l’embarcadère et en proue du quartier du port en mutation, que l’agence parisienne Brénac & Gonzalez ont récemment livré la médiathèque Aragon.

Devant le bâtiment s’inspirant des silhouettes élémentaires d’édifices portuaires, d’énormes tas de sable, mémoire de l’ancienne sablière, apportent au site une étrange beauté. On regretterait presque leur disparition prochaine nécessaire, liée aux aménagements urbains de la zone, coordonnée par l’architecte et urbaniste Paul Chemetov. Bien qu’ayant un parcours se distinguant par une recherche appliquée en matière de logement (ils furent les premiers à Paris à réaliser des superpositions programmatiques inédites, ainsi qu’à offrir des pièces supplémentaires dans un ensemble de logements rue du Chevaleret, sans augmentation du montant des loyers), Brénac & Gonzalez connaissent bien le programme de médiathèque. Ils ont à leur actif l’édification de celles de Bagnolet (2002) et de Villemomble (2002), deux brillantes réalisations caractéristiques au sein d’une œuvre marquée par une architecture accueillante et aux espaces intérieurs souvent joyeusement colorés. Ici, « la zone est inondable et le Plan de prévention aux risques d’inondations (PPRI) préconisait un déplacement de la médiathèque à l’étage », explique Xavier Gonzalez. Cette donnée du programme est mise à profit pour organiser l’équipement en hauteur et selon un ruban en ascension autour d’un vide générant un puits de lumière central. « Une médiathèque représente le lieu du savoir, la figure de la spirale proposée est une image symbolisant la progression par la connaissance et le brassage intergénérationnel », poursuit le créateur.

Une vue panoramique

Cette configuration a permis de dégager sous l’édifice, en rez-de-chaussée, une large place publique. Simplement vitrée, cette dernière conforte l’outil culturel d’un espace protégé supplémentaire, non chauffé, mais à même d’accueillir des expositions ou des activités éphémères. Un escalier en pelure d’orange mène au premier niveau où l’usager est accueilli sur un plateau généreux et inhabituel : à l’extrémité de ce dernier, un écran vitré toute hauteur surplombe la ville. Parsemé d’assises confortables, ce plateau est aussi un lieu privilégié pour la consultation sur place des livres ou de la presse à disposition. Un peu plus loin, la salle polyvalente offre aussi un panorama scénique sur cette rotule du Val-de-Marne et la Seine. L’organisation en ruban a l’avantage de faciliter le repérage et la circulation. Le parcours et les sections baignées de lumière naturelle se succèdent de manière logique : enfants, ados, puis adultes au niveau supérieur, lequel aboutit sur une exceptionnelle terrasse, accessible aux lecteurs et offrant des vues sur l’eau et les berges d’en face. Techniquement, la mise au point de cette volumétrie en spirale n’a pas été simple. La structure de béton a nécessité le calcul d’épaisses dalles reposant sur des voiles en périphérie, à même de porter les gigantesques porte-à-faux et obtenir des espaces intérieurs libres, dénués de points porteurs. Quant au revêtement extérieur, loin d’être un simple habillage, il met l’ensemble en vibration. Fait de la superposition d’une maille filtrante d’aluminium, aux perforations plus ou moins écartées selon les orientations, posé sur une couche de bardage métallique couleur bleu fusil, il renvoie un camaïeu de reflets bleu gris. La promesse de cet effet de façades aux surfaces moirées que portaient les images de concours n’a en rien été trahie par la réalisation. Bâti sur un lit de graminées, de lierres et de plantes tapissantes et exploitant au maximum la situation privilégiée en proue de terrain, « le bâtiment ressemble à une nef flottant sur un sol végétal en mouvement » et il est sans conteste une invitation à plonger dans l’univers de la connaissance.

Fiche technique

Maître d’ouvrage : SADEV 94
Maître d’œuvre : Brénac & Gonzalez ; Chef de projet : Florent Descolas
Superficie : 2 400 m2
Coût : 7,8 millions d’€
Concours : 2011
Livraison : mars 2014

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°426 du 2 janvier 2015, avec le titre suivant : Le ruban de la connaissance

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