Le réel de Jean Bazaine

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 décembre 2005 - 359 mots

Bien que peintre non figuratif, Jean Bazaine a toujours refusé l’étiquette d’« abstrait », soucieux de se référer au réel. Il préfère jouer entre l’incarné et le non-incarné.

Vive et lumineuse, comme la mer qu’il aimait tant, la peinture de Jean Bazaine (1904-2001) compte parmi les grandes œuvres de la seconde école de Paris. Parce qu’elle est tout entière vouée à la célébration du monde dans ce qu’il a de plus élémentaire, l’eau y est naturellement omniprésente. Les modèles du peintre ont toujours été du côté du rythme et du mouvement, du flux et du reflux, du fluide et de l’animé, bref de tout ce qui vit, circule et respire, sens dessus dessous, dans une sorte d’immersion universelle.
À juste titre donc, l’exposition met le focus sur ce thème de l’eau. Longtemps fasciné par les figures de Nageurs et de Plongeurs, le peintre les a multipliées en surface de compositions où tout se mêle parce que « c’est de déséquilibre en déséquilibre qu’une toile a des chances d’avancer », écrit-il en 1973 dans Exercice de la peinture.

Témoigner d’une présence
Chacune des œuvres de Bazaine nous invite à une véritable plongée dans la lumière et dans la couleur, comme en témoigne la Vague, hommage à Hokusai, un grand collage violet et noir de
la dernière heure.
Peu importe finalement le motif qui en est le prétexte – tel paysage, tel personnage ou tel ressenti –, ce qui compte c’est la capacité de la peinture à témoigner d’une présence, sa capacité à s’incarner. « Le destin du monde ne se joue pas entre le “figuratif” et le “non-figuratif”, mais entre l’incarné et le non-incarné, ce qui est bien différent » écrit encore le peintre dans ses Notes sur la peinture d’aujourd’hui, publiées en 1953.
Dans le contexte de l’époque, son ouvrage visait à recadrer un débat qui s’égarait dans les méandres d’une pensée sur l’art qui avait quelque peu perdu son âme. Qui la vouait soit à un informel désespéré, soit au monde de l’objet et du progrès technique. Non que la réflexion de Bazaine fût passéiste mais elle était attachée à sauver quelque chose de l’esprit. Au sens le plus absolu du mot.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°575 du 1 décembre 2005, avec le titre suivant : Le réel de Jean Bazaine

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