Photographie

Le livre blanc d’Hannah Darabi sur l’Iran

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 31 janvier 2019 - 486 mots

PARIS

Au Bal, la photographe iranienne partage sa collection de livres politiques et de photographies publiés pendant la révolution iranienne. Un regard original sur ce moment de l’histoire.

Paris. En janvier 2018, Le Bal inaugurait un nouveau format court d’exposition intitulé Performing Books, consacré à une collection de livres. « Surveillance Index », construite à partir d’ouvrages de la collection de l’Américain Mark Ghuneim rassemblés autour de la thématique des systèmes de surveillance de nos sociétés était la première du genre. C’est au tour d’Hannah Darabi d’investir les lieux avec sa collection de livres politiques et de photographies publiés en Iran entre 1979 et 1983, autrement dit depuis la révolution iranienne – qui a vu le départ du chah et le retour d’exil de l’ayatollah Khomeyni – à la mainmise du régime islamique sur le pouvoir et la société. « Une période de relative liberté d’expression avant qu’elle ne soit muselée totalement en 1983 », précise l’artiste.

Née à Téhéran en 1981 au début de la guerre Iran-Irak, Hannah Darabi vit à Paris depuis onze ans. C’est en 2013 dans le cadre d’un travail photo sur sa ville natale qu’elle découvre dans une librairie, l’ouvrage Allah Akbar du photographe Shahrokh Hatami publié en 1980 à l’occasion du premier anniversaire de la révolution. Le récit fictionnel de l’événement la ramène à l’enseignement qu’elle en reçu à l’école. Il sera le déclencheur de la collection. Dès le départ, la collecte est circonscrite aux ouvrages ou revues politiques et photographiques qu’elle trouve à Téhéran dans les librairies de la rue Enghelab (rue de la révolution) et aux seules éditions ou publications vendues en Iran plus ou moins sous le manteau de 1979 à 1983.

L’histoire réappropriée

Par ces récits, voix officielles, critiques ou subversives, elle revisite et se réapproprie cette histoire de la révolution pétrie de silences et de non-dits, d’arrestations, de disparitions et d’exils. L’invitation du Bal permet à la photographe de donner corps à cette nouvelle lecture et revêt un triple intérêt. Celui d’abord d’éclairer la démarche et le travail d’une photographe méconnue du grand public, qui bénéficie ici de sa première exposition personnelle par une institution et pour qui le livre photo est un médium à part entière. Ensuite, l’exploration de cette période de l’histoire iranienne donne un nouvel éclairage sur l’événement déclencheur d’autres au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Enfin, l’exercice de reformulation de cette révolution via le livre met à jour une histoire de l’édition iranienne, de la photo et de leur place dans les publications totalement méconnue. Pour ce faire, Hannah Darabi s’est associée à l’anthropologue Chowra Makaremi.

L’exposition et le livre offrent un regard inédit, mais livrent aussi quelques fragments du nouveau travail photographique d’Hanna Darabi entamé à partir de sa propre collection. L’appareil critique fourni pour chaque ouvrage de la collection est une mine d’informations. Une lecture qui exige temps et concentration, tant la somme d’informations donnée est importante, malgré un dispositif scénique relativement clair.

 

 

Hannah Darabi. Rue Enghelab, la révolution par les livres, Iran 1979-1983,
jusqu’au 11 février, au BAL, 6, impasse de la Défense, 75018 Paris, www.le-bal.fr.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°516 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Le livre blanc d’Hannah Darabi sur l’Iran

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