Art moderne

Le jardin secret de Max Ernst

Touraine

Par Charlotte Nouziès · Le Journal des Arts

Le 24 novembre 2009 - 743 mots

Le Musée des beaux-arts de Tours consacre une exposition à l’œuvre produite par l’artiste dans sa propriété de Huismes, de 1955 à 1968

TOURS - « Il fait beau et doux et calme ici », écrivait Max Ernst depuis Huismes, petit village proche de Chinon, à son ami le critique d’art Patrick Waldberg. Ainsi pourrait se résumer le rapport de l’artiste à la Touraine. Lorsqu’il fait son retour à Paris, en 1950, après un exil de neuf ans aux États-Unis à cause de la Seconde Guerre mondiale, il est enfin consacré en tant qu’artiste majeur du surréalisme. Pourtant, les expositions de Max Ernst, fervent défenseur de la figuration, ne remportent pas un franc succès et, en 1954, lorsqu’il reçoit le Grand Prix de peinture de la XXVIIe Biennale de Venise, il est définitivement exclu du groupe des surréalistes par André Breton. Il se retire alors à Huismes, au « Pin perdu », demeure à la tranquillité enjôleuse, où il réside de 1955 à 1968 avec sa femme, la peintre américaine Dorothea Tanning.
    Durant ces années où il a pu observer la scène artistique avec recul, Max Ernst a réalisé une œuvre dont ressort une gaieté peu commune. C’est cette production tardive et relativement méconnue que met aujourd’hui en valeur le Musée des beaux-arts de Tours. Collages, dessins, estampes, peintures et sculptures viennent témoigner de son engouement pour la diversité des techniques. L’artiste a toujours refusé l’idée d’une définition achevée de l’œuvre, naviguant entre les styles et se jouant du temps. La manifestation prend donc le parti de suivre le goût farfelu de son protagoniste et dresse un portrait de Max Ernst et de sa vie en Touraine sans s’attacher réellement à une chronologie. Le parcours débute avec la toile Le Jardin de la France (1962), une reprise de La Naissance de Vénus d’Alexandre Cabanel (1863) dont l’artiste avait déniché une version dans une brocante. Le corps de cette femme enveloppé par l’Indre et la Loire, prolongement du motif surréaliste de la Femme 100 têtes (1929), fait écho à la fertilité de la Touraine. Tout au long des salles, le visiteur découvre un Max Ernst authentique, évoluant avec intelligence au sein de cette diversité de style et de techniques. Ses peintures, comme le soulignent Sophie Join-Lambert et Julia Drost, commissaires de l’exposition, reflètent ses émotions, de la douce mélancolie d’Après moi le sommeil (1958), hommage au poète Paul Éluard, à la fraîcheur de 33 fillettes chassant les papillons (1958). Son humour incongru, moteur de sa création, s’étale au grand jour dans ses sculptures, comme l’attestent Un microbe vu à travers un tempérament (1964) ainsi que Le Génie de la Bastille (1961), clin d’œil facétieux à Léonard de Vinci dont la célèbre figure humaine inscrite dans un cercle est ici reprise sous forme d’oiseau.

Attrait pour les astres
Le parcours offre également un ensemble de photographies et de films montrant Max Ernst et Dorothea Tanning au « Pin perdu ». Réalisées par les amis du couple, de Lee Miller à Henri Cartier-Bresson en passant par Victor Schamoni, ces images apportent un témoignage émouvant et précieux de cette période. La dernière partie de la présentation s’arrête sur l’attrait de Max Ernst pour les astres et propose quelques pièces rendues exceptionnelles par leur rareté. Ainsi de l’ensemble des gravures illustrant Maximiliana ou l’exercice illégal de l’astronomie (1964), livre d’artiste réalisé avec le poète géorgien Ilia Zdanevitch, dit « Iliazd », ou de La Terre vue de Maximiliana (1963), étonnante huile sur Plexiglas. La parenthèse tourangelle se clôt en 1968, avec le départ de Max Ernst pour Seillans, dans le Var.
    L’exposition du Musée des beaux-arts de Tours, élaborée en collaboration avec le Centre allemand d’histoire de l’art de Paris, fait preuve d’un sérieux qui n’entame pas la légèreté de ce pan peu connu de l’œuvre de Max Ernst. On aurait pu craindre que la mise en valeur de l’amour de l’artiste pour la Touraine ne vienne étouffer le propos. Il n’en est rien : la scénographie s’efface pour laisser les œuvres s’en faire les meilleurs témoins. La quiétude des lieux, trouvant écho dans l’esprit de ce poète du quotidien, permet de découvrir une nouvelle facette de Max Ernst, plus enjouée mais non moins saisissante.

MAX ERNST, LE JARDIN DE LA FRANCE, jusqu’au 18 janvier 2010, Musée des beaux-arts, 18, place François-Sicard, 37000 Tours, tél. 02 47 05 68 73, www.tours.fr, tlj sauf mardi 9h-18h. Catalogue, éd. Silvana, 196 p., 98 ill., 28 euros, ISBN 978-2-9033-3118-4.

Max Ernst
Commissaires : Philippe Le Leyzour et Sophie Join-Lambert, conservateur en chef et conservatrice du Musée des beaux-arts de Tours ; Werner Spies, ancien directeur du MNAM/Centre Pompidou ; Julia Drost, directrice de recherche au Centre allemand d’histoire de l’art de Paris

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°314 du 27 novembre 2009, avec le titre suivant : Le jardin secret de Max Ernst

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