L’autre Tiepolo

Longtemps confiné dans le rôle d’assistant de son illustre père, Giandomenico Tiepolo sort de
l’ombre avec la restauration d’une cinquantaine de ses fresques conservées au Musée Correr.
Des œuvres au parcours singulier : arrachées en 1906 à leur contexte d’origine pour être vendues en France, elles sont récupérées in extremis par la municipalité vénitienne. Installées depuis 1936 à la Ca’Rezzonico (le bâtiment qui abrite les collections du XVIIIe siècle du musée), elles sont aujourd’hui dévoilées au public après un nettoyage en bonne et due forme. Après avoir participé aux grands chantiers de Würzburg et de Madrid, le fils Tiepolo, de retour à Venise, s’attelle au décor de la villa familiale à Zianigo di Mirano, et se démarque, au fil des chantiers, du style paternel. De 1749 à 1797, il exécute un programme à fresque avec la liberté des caprices. Ne relevant pas d’une commande officielle, l’ensemble laisse éclater le talent d’un artiste qui, sans être visionnaire, a su témoigner de l’essoufflement du rococo et du déclin de Venise. Des scènes galantes, des bacchanales mêlant satyres et faunes aux situations de la vie moderne, alternent avec des sacrifices païens et font preuve d’une grande imagination. Mais c’est surtout les tribulations des polichinelles qui retiendront toute l’attention du spectateur :  Polichinelle ivre, Polichinelle amoureux ou Polichinelle à l’escarpolette. À travers les aventures drolatiques, insouciantes et parfois égrillardes de ce personnage de la Commedia dell’Arte, le peintre offre une lecture parfois acerbe d’une société vénitienne en pleine déroute, réfugiée dans les carnavals et les fatuités. Avec cette promenade désabusée, bien plus qu’ironique, Tiepolo offre toutefois un festival de situations cocasses, où la fantaisie domine de façon explosive.