Pavillon populaire, Montpellier (34)

Laughlin et Meatyard - Le masque et la plume

Jusqu’au 9 janvier 2011

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 17 décembre 2010 - 397 mots

Montpellier a déjà loupé le train de la photographie, en voyant partir la future fondation Auer pour la Suisse.

Elle entend bien ne pas le manquer une seconde fois, puisque la municipalité vient de nommer pour trois ans Gilles Mora aux manettes de la direction artistique de son Pavillon populaire, dédié à la photo et ouvert en 2007.

Comme l’on pouvait s’y attendre, avant d’entamer son cycle d’exposition par la photographie urbaine européenne, ce spécialiste de la photo américaine se dégourdit les jambes avec un accrochage sur le thème des Suds profonds de… l’Amérique. Quoique l’exposition s’apparente davantage à une première course de « fonds » qu’à un échauffement. Sur les trois photographes présentés ici, deux, en effet, sont aussi peu connus en France qu’ils ont été longtemps ignorés aux États-Unis : Clarence John Laughlin (1905-1985) et Ralph Eugene Meatyard (1925-1972). Ils sont pourtant historiques.

Ne nous lamentons pas, les raisons de cet oubli leur reviennent en plein, à leur univers si personnel, si empreint d’étrangeté et, finalement, si loin de l’imagerie officielle américaine défendue alors par Walker Evans : le documentaire. Lecteur de Baudelaire et des symbolistes, d’Edgar Poe et du sudiste Ambrose Bierce, auteur du Dictionnaire du diable, Laughlin s’est fait le champion d’une Nouvelle-Orléans en pleine mutation – comme le fut le Paris d’Atget que l’Américain, enterré au Père Lachaise, connaissait bien. Une Nouvelle-Orléans surréalisante où les baraques en ruines sont hantées de femmes fantômes et masquées. Il flotte dans ses mises en scène comme une atmosphère de Brassaï et d’Alvarez Bravo mélangée, sans jamais aller jusqu’à la copie.

 Le second, Meatyard, connaisseur du travail de Laughlin et lecteur, lui aussi, de Bierce, a mené une œuvre plus solitaire que son compatriote sudiste, et sans doute plus insaisissable. Comment expliquer, en effet, que cet habitant de Lexington, dans le Kentucky, opticien la semaine et photographe le week-end, ait photographié jusqu’à son cancer foudroyant sa femme et ses trois enfants le visage dissimulé derrière un masque, dans des mises en scène glauques jusqu’à la nausée. Gilles Mora situe Meatyard dans une filiation qui irait des compositions suggestives de Lewis Carroll à l’univers morbide de Sally Mann. Apprendre qu’il développait ses photos sur une ancienne table de dissection d’hôpital n’étonnera donc personne.

Voir

« Les Suds profonds de l’Amérique »,
Pavillon populaire, esplanade Charles-de-Gaulle, Montpellier (34), tél. 04 67 66 13 46, www.montpellier.fr, jusqu’au 9 janvier 2011.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°631 du 1 janvier 2011, avec le titre suivant : Laughlin et Meatyard - Le masque et la plume

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