Art contemporain

Venise (Italie)

L’artiste au corps à corps

Punta della Dogana, Collection Pinault - Jusqu’au 16 décembre 2018

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 28 juin 2018 - 404 mots

« Quand il n’y a personne d’autre en vue / Dans la nuit solitaire et encombrée / J’attends tellement longtemps / Pour cette sensation d’amour / Et je danse avec moi-même / Oh oh oh, danser avec moi-même.

 » « Dancing With Myself », l’exposition de la Punta della Dogana, reprend le titre d’une chanson de Billy Idol, chanteur punk dont les titres connurent un succès mondial dans les années 1970 et 1980. Si la référence à la musique est un clin d’œil à Albert Oehlen, exposé cet été au Palazzo Grassi, elle n’en fait pas pour autant le sujet de cette exposition collective, qui mixe des œuvres de la collection Pinault avec celles du Musée Folkwang (Allemagne). Comme le titre le laisse entendre, « Danser avec moi-même » sélectionne des artistes qui utilisent leur corps pour matériau de leur création. Si les réponses sont aussi diverses que les artistes réunis sont nombreux, le résultat ne nuit pour autant pas à la cohérence de l’accrochage. Au contraire ! L’importance des espaces alloués aux œuvres, la qualité de ces dernières et la beauté du lieu (avec ses murs en briques classées et ses ouvertures sur la lagune) engendrent une exposition sensible, tout en retenue. Le seul étalage de force venant des immenses « tableaux » colorés de Gilbert & George, les Film Stills des années 1970 de Cindy Sherman placés en regard de l’autoportrait de 1929 de Claude Cahun sont en effet, à côté, plus discrets. Tout comme les autoportraits de Marcel Bascoulard, marginal bien connu des habitants de Bourges, qui s’est photographié vêtu en femme dans des habits confectionnés par lui, et que cette exposition devrait, après la monographie parue aux Cahiers dessinés, mettre au goût du jour. La première salle incarne à elle seule l’équilibre subtil qui se joue dans l’exposition : d’un côté, l’autoportrait en cire d’Urs Fischer, qui se consume lentement pour évoquer la disparition de l’artiste ; de l’autre, l’autoportrait dans lequel Alighiero Boetti se représente en bronze, tenant au-dessus de lui un tuyau avec lequel il s’arrose d’une eau qui s’évapore immédiatement, métaphore ironique de processus de création, autant que celle d’un artiste qui se sait condamné par la maladie. Pour les voir, il faut d’abord franchir un rideau de perles blanches et rouges, représentation métaphorique des globules blancs et rouges de Felix Gonzalez-Torres, disparu prématurément par le sida en 1996. Simple mais efficace.
 

« Dancing With Myself »,
Punta della Dogana, San Samuele, Venise (Italie), www.palazzograssi.it

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : L’artiste au corps à corps

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