XXE SIÈCLE

L’art sous l’angle des collections angevines

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 7 février 2018 - 489 mots

Le Musée des beaux-arts d’Angers accueille cinq collections de la région comme autant de regards différents et engagés sur l’art.

Angers. Décidément, les collectionneurs ont le vent en poupe. Innombrables sont les lieux qui les présentent et on pourrait se demander si parfois il ne s’agit pas d’un prétexte un peu facile pour monter une exposition. La manifestation à Angers est un cas particulier : c’est une collaboration, commanditée au musée par la Ville, qui privilégie les collections implantées en région angevine. Même si le nombre des collectionneurs est limité, il permet, selon les commissaires, de « rassembler cinq façons de s’engager activement dans l’art ».

Le résultat, inévitablement, est inégal. La première salle est consacrée à une association d’amateurs, PACA, fondée en 1986 et qui a duré jusqu’en 2013. Certes, il est tout à leur honneur d’avoir fait connaître au public local l’abstraction lyrique d’après-guerre – Olivier Debré, Hans Hartung, Gérard Schneider. Cependant, les toiles, d’une qualité moyenne, et surtout l’accrochage, beaucoup trop serré, asphyxiant, neutralise les œuvres.

Puis, et le passage est radical, la collection de Philippe Méaille propose au visiteur une approche artistique pratiquement à l’opposé de la peinture gestuelle. Passionné de bibliophilie, l’homme se tourne vers Art and Language, un collectif anglo-saxon pour qui l’écrit n’est pas moins important que l’image. Une affiche, un texte, un document ou une déclaration politique ou esthétique deviennent des œuvres où l’émotion se voit court-circuitée par un questionnement d’ordre intellectuel. Curieusement, un autre collectionneur, Alain Le Provost, est fasciné par l’art conceptuel. Atteint d’une pathologie rare qu’il baptise la collectionnite, il a Marcel Duchamp pour dieu. C’est ainsi que l’œuvre de Julie C. Fortier – La Collection, 1916 –, un flacon de parfum éphémère testé par les visiteurs, est un lointain souvenir de l’Air de Paris de l’inventeur du ready-made. Plus prévisible est la énième déclinaison – en rose, celle-ci – d’un mur peint et d’un monochrome par Claude Rutault, d/m 145. légendes, 1985 et 2017.

Ce sont les deux derniers ensembles qui se révèlent les plus originaux. Le premier, de la Fondation La Roche Jacquelin, offre uniquement des travaux réalisés par des artistes asiatiques. Si, à première vue, ces œuvres, proches de l’artisanat, n’échappent pas au kitsch, on comprend toutefois que l’on a affaire à des détournements. De fait, les jolis objets décoratifs, presque des bijoux, de Joséphine Turalba (Scandals, 2013) réalisés à partir de cartouches de balles usées, sont une métaphore de la violence de la société philippine. Ailleurs, une robe qui se transforme en armure évoque l’agressivité entre les sexes. Le parcours s’achève sur un autre ensemble où l’on trouve finalement le grain de folie bienvenu qui fait tout le charme d’une collection. On ne saura rien sur son propriétaire qui se cache derrière l’appellation « Anonyme ». Ici, les œuvres choisies ne donnent pas dans le raffinement et frôlent parfois le trash. Il n’en reste pas moins que pour cet illustre anonyme, il s’agit de véritables coups de cœur.

informations
Collectionner, le désir inachevé,
jusqu’au 18 mars, Musée des beaux-arts, 14, rue du Musée, 49100 Angers.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°494 du 2 février 2018, avec le titre suivant : L’art sous l’angle des collections angevines

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