Tapisserie

L’art du va-et-vient

Le Mobilier national révèle le goût des liciers du XVIIe siècle pour la Renaissance

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 9 mai 2011 - 501 mots

PARIS - Qui considérerait encore la tapisserie comme un art mineur devrait se rendre à la Galerie des Gobelins, à Paris, pour se convaincre du contraire. Y est accrochée temporairement, parmi une trentaine d’autres pièces majeures, une tapisserie d’une qualité exceptionnelle.

Associant sens de la narration et sens du décor, ce tissage illustrant la Bataille de Constantin, célèbre fresque des chambres du Vatican, à Rome, parvient à traduire dans le textile des notions atmosphériques, mais aussi la précision des détails de la scène au cours de laquelle, devant le pont Milvius, Constantin se serait converti au christianisme. Réalisée avant 1667 pour le surintendant Fouquet, cette copie d’un décor mural de Raphaël – en réalité peinte par ses élèves Jules Romain et Gian Francesco Penni – présente encore des coloris d’une étonnante fraîcheur. Ses dimensions exceptionnelles, de plus de 9 mètres de long, ont en effet limité ses possibilités d’utilisation pour l’ameublement. Car, à l’instar de la plupart des tapisseries de la collection du Mobilier national, à l’exception de quelques acquisitions plus récentes, ces objets de qualité muséale ont eu vocation, un jour ou l’autre, à décorer les palais nationaux.

Trop fragiles, ces tentures ont depuis été remisées, avec un triste corollaire : ne plus être visibles du tout, pour certaines depuis près de vingt ans. L’exposition « L’éclat de la Renaissance italienne » permet donc d’en exhumer quelques-unes, tissées d’après les grands maîtres de la Renaissance italienne. Dans le domaine, ils furent trois : l’incontournable Raphaël et deux de ses élèves, Giulio Romano mais aussi le moins connu, Giovanni da Udine. Si la présentation est enrichie de quelques productions du XVIe siècle issues des manufactures florentines, la plupart des pièces datent du XVIIe siècle. « Il y a eu un va-et-vient constant dans le temps, entre le XVIe siècle et le XVIIe siècle, explique Arnauld Brejon de Lavergnée, commissaire de l’exposition. Dans l’art de la tapisserie, il n’y a pas de césure entre Raphaël et Le Brun ». Ce dernier, en tant que directeur des manufactures royales – où a été tissée une bonne partie des tapisseries – n’a pas hésité à faire transposer par ses liciers quelques « icônes » de la Renaissance. Avec deux objectifs : faire connaître en France des œuvres majeures mais aussi fournir un modèle aux jeunes artistes, tout en économisant la commande de créations nouvelles. Ainsi de la tenture des Actes des apôtres, créée en 1514 pour le pape Léon X d’après des cartons de Raphaël puis retissée à plusieurs reprises. Dont une première fois, à partir des cartons originaux, pour François Ier, ensemble qui a été détruit en 1797 pour en récupérer les fils d’or et d’argent. En matière de tapisserie, le terme « copie » est rarement employé. Un rêve d’amateur consisterait à pouvoir, un jour, confronter les originaux restants à leurs retissages postérieurs.

L’ÉCLAT DE LA RENAISSANCE ITALIENNE. TISSAGES D’APRÈS RAPHAËL, GIOVANNI DA UDINE, JULES ROMAIN

Jusqu’au 24 juillet, Galerie des Gobelins, 42, av. des Gobelins, 75013 Paris, tlj sauf lundi 11h-18h, www.mobiliernational.fr

L’éclat de la Renaissance

Commissariat : Arnauld Brejon de Lavergnée, directeur des collections du Mobilier national ; Arnaud Denis

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°347 du 13 mai 2011, avec le titre suivant : L’art du va-et-vient

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