Art contemporain

L’Amazonie, échantillon d’une passion au Mo.Co

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 9 avril 2020 - 712 mots

La collection d’art sud-américain de Catherine Petitgas est centrée pour cette première exposition institutionnelle sur le bassin amazonien. L’Hôtel des collections interroge ainsi cette géographie mentale dans un parcours qui fait la part belle aux artistes femmes. À voir dès la sortie du confinement et encore tout l’été….

Montpellier (Hérault). L’an dernier, les visiteurs de la foire Art Paris ont eu un aperçu de la collection de Catherine Petitgas, dans le cadre d’un focus sud-américain. Dans une autre vie analyste financière, diplômée sur le tard de l’Institut Courtauld à Londres, Catherine Petitgas, impliquée dans divers cénacles artistiques, voit cette fois-ci sa passion pour l’art d’Amérique latine validée par une institution hexagonale. Avec cette troisième exposition depuis son ouverture en juin 2019, le Mo.Co creuse, quant à lui, le sillon de sa ligne éditoriale, consacrée aux collections publiques et privées.

Restait à définir un thème ordonnant cette sélection d’œuvres – une centaine sur les quelque neuf cents au total formant la collection. Celui de la forêt d’Amazonie, « territoire en péril » selon les termes du livret de l’exposition, symbole d’une planète en perdition, pourrait augurer d’un propos engagé, militant. Or Catherine Petitgas, comme c’est souvent le cas pour les collectionneurs, procède par affinités successives, rencontres et coups de cœur, et sa collection se prête peu à ce type de manifeste démonstratif. Même si, comme elle le souligne, « beaucoup d’œuvres présentées ici, au premier abord séductrices, cachent des tensions sous-jacentes ».

Après le sas synesthésique aux effluves d’orchidée sauvage conçu par Oswaldo Maciá (The Opera of Cross-pollination, 2018), le parcours propose un rappel historique, soulignant le rôle joué par la modernité occidentale pour la scène latino-américaine à travers deux de ses figures reconnues, Ivan Serpa (1923-1973) et Erika Verzutti (née en 1971). Le premier, dans la toile No 27 (1970) de sa série « Amazônica », s’approprie à sa manière l’Hommage au carré de Josef Albers, dont il arrondit les angles et change la palette chromatique pour celle – bleu, rose, vert – des écoles de samba de Rio. La seconde s’emploie à hybrider les fruits charnus de l’arbre à pain avec les codes de l’abstraction géométrique (Brasília (Jóia), 2011). Placée en préambule, son œuvre La Mexicana (2015), sculpture minimaliste aussi brute qu’un assemblage de blocs d’argile, pourrait servir de totem à l’exposition. D’autant que celle-ci affiche une importante proportion d’artistes femmes – vingt-sept en tout, soit quasiment la moitié des cinquante-trois artistes présentés.

Un « féminisme tropical »

Une petite salle est consacrée à Beatriz Milhazes (née en 1960), dont la grande fresque Férias de Verão (2005, [voir ill.]) évoque une luxuriance tout exotique, un carnaval empreint de références à Sonia Delaunay. Mais à y regarder de près, la toile révèle une patine, des coulures, un aspect par endroits abîmé, qui sous ses dehors décoratifs peut se lire comme une évocation acide des inégalités dans les grandes métropoles brésiliennes.

Moins subtil mais plus efficace, bruissant des rotations de dizaines de sacs en plastique accrochés à des batteurs électriques, l’installation Jungle Jam (2010-2016) du collectif Chelpa Ferro est, pour sa part, une allusion aux rebuts de la société de consommation qui interroge la place de l’homme dans la nature. Cette thématique est également explorée par Nohemí Pérez (née en 1962), originaire d’une région très affectée par le conflit armé colombien, et dont le Catatumbo Project – Panorama Catatumbo (Rio) (2012-2016), panorama au charbon sur une toile de coton, invite à déceler la violence en arrière-plan du paysage naturaliste.

Une section intitulée « Féminisme tropical » clôt le parcours. Elle pourrait faire office de sous-titre à l’exposition tant la question de l’identité féminine y est présente, à travers des pratiques très variées (peinture, photographie, sculpture, installation ou vidéo). On gardera à l’esprit la vidéo accompagnée de broderies de Nombrar el agua (2019), œuvre protéiforme et poétique de Tania Candiani, mais aussi le geste modeste de Lucia Nogueira Untitled (Cage) (1989), évoquant la claustration mentale de la domesticité à travers une boule de haricots noirs emprisonnée dans la grille de l’esthétique géométrique. Enfin les bonnets péruviens sont « comptabilisés » et détricotés par Ximena Garrido-Lecca (Una gruesa de chullos, 2013), pour une réhabilitation d’un travail artisanal grossièrement déprécié par la mondialisation. Catherine Petitgas suit depuis longtemps cette artiste, installée à Londres et originaire du Pérou : une scène qui la passionne tout particulièrement en ce moment.

Mecarõ. L’Amazonie dans la collection Petitgas,
fermée pendant le confinement, puis rouverte jusqu’au 20 septembre, Mo.Co, Hôtel des collections, 13, rue de la République, 34000 Montpellier.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°543 du 10 avril 2020, avec le titre suivant : L’Amazonie, échantillon d’une passion au Mo.Co

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