Histoire

L’Algérie à l’ombre des armes

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 18 mai 2012 - 353 mots

Une BD contemporaine comme fil conducteur d’une exposition sur l’Algérie coloniale, et en plus au Musée de l’armée, n’est-ce pas insolite ? Pari réussi ! Cinquante ans après l’indépendance, le temps semble venu de regarder en face le film tourmenté de cent trente-deux années de présence militaire française en Algérie.

Dans sa préface au catalogue, le général Baptiste, directeur du musée, est clair : l’exposition renvoie à une exigence de « modestie, rigueur et honnêteté, ce qui n’exclut pas, bien au contraire, d’être sensible aux souffrances endurées, quelles qu’en soient les victimes ».
Avec l’ambition d’apporter la civilisation et les idéaux des Lumières, une impitoyable conquête militaire débute en 1830. Alexis de Tocqueville, pourtant favorable à la colonisation, n’écrit-il pas en 1847 dans un rapport parlementaire : « Nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu’elle n’était avant de nous connaître. »

Des armes, des uniformes, des drapeaux, d’impressionnants tableaux d’histoire (Théodore Chassériau, Cavaliers arabes emportant leurs morts, après une affaire contre les spahis, 1852) et de nombreuses photos et films illustrent cent trente-deux ans de colonisation et de décolonisation. L’exposition a le courage de montrer l’extrême violence de la conquête et de la guerre d’Algérie, sans évacuer la complexité de l’histoire militaire : la plupart des premiers cadres du FLN et de l’Armée de libération nationale étaient des soldats ou des sous-officiers expérimentés de l’armée française. Ayant débarqué aux côtés des alliés en Italie puis sur les plages de Provence en août 1944, ils participèrent souvent en première ligne aux durs combats contre l’armée nazie.

Autre regard, très personnel, les bandes dessinées de Jacques Ferrandez apportent un éclairage dynamique, intelligent et sensible sur cette longue histoire commune entre l’Algérie et la France. Commencée en 1987, les dix tomes des Carnets d’Orient (éditions Casterman) retracent la vie d’une famille pied-noir en Algérie, de 1836 à 1962. Bien documenté, lucide sans être cynique, Ferrandez évite l’écueil redoutable des simplifications extrêmes. Chapeau ! Ses albums sont également diffusés en Algérie.

« Algérie 1830-1962. Avec Jacques Ferrandez », Musée de l’armée, 129, rue de Grenelle, Paris-7e, www.invalides.org

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°647 du 1 juin 2012, avec le titre suivant : L’Algérie à l’ombre des armes

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