Art contemporain

XXE SIÈCLE

Henry Moore, une figure à Landerneau

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 4 juillet 2018 - 638 mots

L’exposition du Fonds Hélène & Édouard Leclerc permet d’admirer une centaine de sculptures et presque autant de dessins de l’artiste britannique, rare en France.

Landerneau (Finistère). S’il y avait un autre sculpteur à montrer après la remarquable exposition de Giacometti en 2015, c’était lui : Henry Moore (1898-1986). Fort heureusement, Landerneau ne s’est pas lancé dans une confrontation, plus ou moins pertinente, entre deux artistes – exercice à la mode depuis quelques années. Curieusement, malgré son immense notoriété mondiale et quelques œuvres iconiques souvent reproduites, telles Figures allongées ou Mère et enfant–, Moore a rarement été montré en France.

Pour cette exposition, le Fonds Hélène &Édouard Leclerc pour la culture a bénéficié d’un allié de taille, celui de la fondation consacrée à l’artiste britannique ; les prêts accordés sont souvent spectaculaires. Le parcours, chronologique, s’ouvre sur des dessins de Moore réalisés pendant son apprentissage à l’école d’art de Leeds au début des années 1920. Encore académiques, ces esquisses trahissent déjà les préoccupations d’un futur sculpteur : le corps humain et sa mise en volume. Vingt ans plus tard, en 1941, Moore, créateur alors confirmé, sera appelé à témoigner des effets de la guerre sur la population civile. Ses travaux, faits dans le « tube » londonien transformé en abris, représentent des hommes et des femmes allongés. Ce n’est pas un simple hasard si les couvertures de fortune qui les protègent du froid y jouent le même rôle que les draperies raides qui donnent un caractère majestueux aux figures sculptées par l’artiste.

Dans l’entre-deux-guerres, l’œuvre de Moore dialogue avec différents mouvements de la modernité. Au départ, c’est l’abstraction dans sa version biomorphique, qui fait appel à des blocs ovoïdes, à des lignes courbes et souples, à des volumes stylisés. L’artiste tend vers une sculpture organique où les formes produites renvoient à un prototype archaïque, inspiré par une nature aux accents oniriques ou symboliques (Composition, 1933).

Des « sculptures-paysages »

Puis, le surréalisme, qui arrive en Grande-Bretagne un peu en retard, l’attire un moment. Toutefois, Moore, à l’instar d’Hans Arp, se désintéresse du débat qui oppose l’abstraction à la figuration. Pour lui, il n’existe aucune différence entre les figures humaines, les arbres et les formes non déterminées qui émergent de la nature (Figure, 1933-1934). Ce sont avant tout des masses qu’il entreprend de creuser et d’ouvrir pour trouver un équilibre entre le plein et le vide. Certes, depuis toujours, le geste de la création recherche cet équilibre où, comme l’écrit François Jullien : « le vide et le plein s’engendrent réciproquement » (La grande image n’a pas de forme, Seuil, 2003). Mais, que ce soit dans la sculpture ou la peinture, le recours au vide se justifiait par les diktats de la représentation, sinon de l’illusion. Les œuvres de Moore, ces monologues entre la pesanteur de la masse et la légèreté de l’air, mettent à l’essai le contraste entre une matière abondante et un espace intérieur de plus en plus prépondérant.

Son sujet privilégié est la figure féminine étendue car, selon lui, cette position permet une osmose parfaite avec l’environnement, une intégration totale à la nature. Ainsi, le jeu de courbes amples et sensuelles de la splendide Figure allongée (1950), cette condensation d’être humain, évoque à la fois des parties du corps – seins, genoux – et des montagnes. Cette assimilation entre femme et nature, certes un lieu commun ancestral, prolonge une thématique britannique traditionnelle : le paysage et la figure humaine. Moore va d’ailleurs jusqu’à appeler ces œuvres des « sculptures-paysages ».

Une évocation de Giacometti surgit : ses êtres, dressés dans une fragile verticalité, isolés et frêles, émeuvent. Malgré leur anonymat, ou en raison de celui-ci, ce sont nos semblables. Les personnages de Moore, rarement debout – sauf ceux métamorphosés en totems, ainsi les Upright Motive No. 5, (1955-1956) –, portent en eux le souvenir lointain des sculptures précolombiennes. Monumentales, intemporelles, inaccessibles, ces divinités restent impressionnantes.

henry moore

jusqu'au 4 novembre, Fonds Hélène & Edouard Leclerc pour la culture, Aux Capucins, 29800 Landerneau.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°505 du 6 juillet 2018, avec le titre suivant : Henry Moore, une figure à Landerneau

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