Sculpture

Fausto mélodie

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 15 septembre 2015 - 707 mots

Dans un parcours brillant, qui entrecroise les œuvres de l’artiste et les articles qui lui ont été consacrés
dans la revue « Domus », le Nouveau Musée national de Monaco redonne voix à l’Italien Fausto Melotti.

MONACO - La sculpture, ses images et les textes qui l’accompagnent… : c’est une exposition à plusieurs voix que déroule à la Villa Paloma le Nouveau Musée national de Monaco (NMNM). Celle de Fausto Melotti bien entendu, à travers sa création ; mais aussi celle du photographe Ugo Mulas, soit l’œil qui l’a accompagné de nombreuses années durant, ou celle de l’écrit, avec les textes parus dans la revue italienne Domus. Cette référence incontournable en matière de design et d’architecture a, dès la fin des années 1940, mais surtout au cours des années 1960, consacré à l’artiste nombre de pages, à travers des commentaires ou en le laissant exprimer lui-même les fondements de sa vision et l’évolution de son travail.

Aborder Fausto Melotti (1901-1986), figure majeure de l’art transalpin trop timidement exposée en France, est déjà une louable initiative en soi. Le faire grâce à cet entrecroisement en est une bien meilleure encore, qui non seulement permet de poser un autre regard sur la production du maître, mais aussi de le replacer dans le contexte esthétique de son époque. Or l’époque, l’après-guerre, en matière d’architecture en Italie, est largement marquée par la figure de Gio Ponti, qui en 1928 fonda la revue… Domus !

L’amitié entre les deux hommes, au-delà d’une attention réciproque quasi permanente, les conduisit à collaborer au cours des années 1950-1960, pour les projets de deux villas édifiées par l’architecte à Caracas (Venezuela) et Téhéran (Iran) ainsi que pour celui du siège new-yorkais de la compagnie aérienne Alitalia, pour lesquels Melotti livra de nombreux décors en céramique. En témoignent les pages de Domus, tout comme une salle où une vaste structure métallique (pas des plus discrètes au demeurant) sert de support à des plaques de céramique (qui ne sont pas issues des réalisations ci-dessus mentionnées) ; des bas-reliefs en terre cuite, émaillée ou non, qui témoignent d’une grande liberté expressive et d’une capacité d’improvisation constante, comme en réponse à l’abstraction lyrique de l’époque.

Les œuvres et leur documentation
Ce qui se joue dans l’ensemble des salles est un va-et-vient non chronologique entre la revue exposant la sculpture et la sculpture exposée ici. Ingénieusement ont été reproduits les principaux articles portant sur ou signés de Melotti, que le public est invité à emporter, tandis que les œuvres présentées illustrent littéralement – ou par des travaux similaires dans l’esprit et la façon – cette documentation et les pièces qui y sont reproduites.

Se dessine ainsi la vision d’un artiste usant habilement tant de la céramique (finalement très abondante dans son œuvre, notamment pendant et au sortir de la guerre), que du métal (inox et laiton le plus souvent, or parfois), un matériau qui a donné naissance à ses sculptures les plus précises et délicates. Un artiste chez qui l’on relève à partir des années 1960 la permanence d’un ordre, fruit d’une science consommée de la structure et de l’équilibre. Cet ordre préside à une délicate mise en musique de la matière, guère étonnante chez un ancien étudiant en mathématiques devenu ingénieur en électronique tout en étant à la fois mélomane et musicien. De l’équilibre il est partout question, tant ses sculptures en métal se révèlent fines et fragiles, laissant à penser qu’elles pourraient être emportées par un souffle.

À partir de structures linéaires et d’éléments de langage élémentaires, Melotti convoque le silence, le vide, la légèreté et la vibration. Sa sculpture organise des espaces, cloisonnés souvent, comme dans ces « Teatrini » en céramique où ils se juxtaposent et se superposent. De même qu’une composition de métal telle Contrappunto III (1970) devient une sorte de théâtre dans des cases avec une animation en suspension, une narration possible qui n’est que suggérée.

Par la science de ses éclairages et de ses cadrages photographiques, Ugo Mulas confère une autre rythmique, une légèreté différente aux œuvres de celui qui, dans une parution de 1963, défendait un principe dont il a voulu faire le gouvernail de son œuvre : l’incertitude.

MELOTTI

Commissariat : Eva Fabbris et Cristiano Raimondi
Nombre d’œuvres : environ 90 pièces de Melotti

FAUSTO MELOTTI, jusqu’au 17 janvier 2016, Nouveau Musée national de Monaco, Villa Paloma, 56, bd du Jardin-Exotique, Monaco, tél. 377 98 98 48 60, www.nmnm.mc, tlj 11h-19h jusqu’au 30 septembre puis 10h-18h, entrée 6 €. Catalogue à paraître.

Légende Photo :
Vue de l'exposition « Fausto Melotti » au Nouveau Musee National de Monaco, Villa Paloma. © Photo : Andrea Rossetti.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°441 du 18 septembre 2015, avec le titre suivant : Fausto mélodie

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