Art moderne

ART MODERNE

À Evian, une introduction à l’expressionnisme

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 5 septembre 2019 - 451 mots

Le Palais Lumière offre un résumé d’un mouvement trop peu montré en France.

Évian (Haute-Savoie). Le Palais Lumière à Évian, haut lieu de villégiature avec son architecture datant de la Belle Époque – la splendide buvette Cachat, ce monument en bois unique au monde, est en cours de reconstitution – met en scène des œuvres expressionnistes, le mouvement artistique qui incarne par excellence la révolte sociale.

L’initiative est intéressante car peu d’expositions expressionnistes ont eu lieu en France, même si la situation évolue – voir la présentation de Franz Marc et d’August Macke qui s’est tenue au printemps à l’Orangerie. La particularité de la manifestation évianaise réside dans la collaboration entre le Palais Lumière et deux musées étrangers, l’Aargauer Kunsthaus (Suisse) et le Osthaus Museum de Hagen (Allemagne). Certes, se limiter à deux collections oblige à quelques impasses dans la présentation de l’expressionnisme, mais l’exposition permet de découvrir des œuvres rarement vues.

Ainsi, la Fille couchée [voir ill.] de Max Pechstein (1910) rappelle que les modèles des membres de Die Brücke (Le Pont) sont souvent des adolescentes dont la corpulence ne présente pas encore les rondeurs des femmes mûres. Les corps sont définis en peu de lignes, entre lesquelles s’étendent des couleurs stridentes et dissonantes. L’autre modèle récurrent pour les participants de ce premier groupe expressionniste est la figure du confrère – voir l’étonnant portrait « embourgeoisé » d’Erich Heckel par Ernst Kirchner (1908).

Moins nombreuses sont les toiles réalisées par les artistes du Blaue Reiter, ce groupe impulsé par Kandinsky et Marc et considéré comme le pôle spirituel de l’expressionnisme, face à Die Brücke, plus « matérialiste ». Même si Alexej von Jawlensky, peintre russe et ami de Kandinsky, ne fut d’abord que le compagnon de route du Blaue Reiter, sa Tête de jeune fille avec turban rouge et agrafe jaune (Princesse barbare) (1912) est un visage qui semble détaché de toute réalité environnante, de tout contexte social. Le regard qui émane de ces yeux démesurément agrandis, aux pupilles fixes, semble transposer l’humain dans un domaine intangible. Ce n’est pas un hasard si ce visage a été choisi pour l’affiche de l’exposition.

Le parcours reste toutefois très traditionnel. On aurait pu imaginer d’autres sections que « Les amitiés des artistes », « Paysage. La terre et la mer » ou encore « Nouvelle spiritualité, nouvelles manières de voir ». Une exception : la salle importante consacrée à Christian Rohlfs. Cet ancien impressionniste, alors déjà âgé (il est né en 1851), installé en Rhénanie, pratique une peinture gestuelle où des paysages et thèmes végétaux sont traités dans un style apparenté à l’expressionnisme.

Si l’exposition ne marque pas une étape majeure dans l’histoire de l’expressionnisme, elle offre une possibilité de rencontre intéressante avec cette mouvance essentielle à la compréhension du XXe siècle.

L’Expressionnisme allemand,
jusqu’au 29 septembre, Palais Lumière, quai Charles-Albert-Besson, 74500 Évian.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°528 du 6 septembre 2019, avec le titre suivant : À Evian, une introduction à l’expressionnisme

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