Art contemporain

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Enregistrer l’usure en temps réel

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 20 septembre 2017 - 503 mots

Au Schaulager, le dispositif « Olympia » de David Claerbout plonge le spectateur dans le déclin jour après jour du stade olympique de Berlin.

Avec Olympia (The real disintegration into ruins of the Berlin Olympic Stadium over the course of a thousand years), il n’ambitionne pourtant pas moins que d’enregistrer jour après jour son usure et le déclin qu’il appelle de ses vœux.

Après avoir transposé à l’identique en film le stade et ses abords, vide de toute présence humaine, à l’aide d’une technologie utilisée dans les jeux vidéo, l’artiste belge montre le stade en temps réel, sur deux écrans géants placés en regard. L’un des films est un focus du bâtiment autour duquel tourne lentement la caméra, l’autre est une série de gros plans sur des détails de la construction et de son environnement. En particulier l’herbe qui pousse dans l’interstice des pierres du sol, soit les prémices d’une nature prête à reprendre ses droits. La lumière, l’atmosphère sur le stade, sur la pierre et les monumentales sculptures d’athlètes varieront en fonction de la saison, du mois et de l’heure où le spectateur les découvrira.

Technologies de pointe

Olympia n’est pas la première pièce et installation de David Claerbourt à nécessiter l’usage de technologies et logiciels de pointe, et demander un temps de recherche important pour sa réalisation. Invitation à une promenade en forêt, la vidéo Travel (1996-2013) a exigé une dizaine d’années pour son élaboration et une autre pour sa finalisation. Ce n’est pas la première fois non plus que la tranquillité d’un lieu, la banalité d’un objet contiennent en miroir une autre narration, plus sombre, plus inquiétante, plus politique. L’intranquillité d’Olympia comme de Travel colle à celle de leur auteur, aux fantômes de l’Histoire, en particulier de la Seconde Guerre mondiale. David Claerbout éprouve à nouveau le temps, la mémoire et nos perceptions avec cette installation monumentale.

Dans son ambition, celle de capter la disparition à terme du stade olympique de Berlin, la pièce renvoie néanmoins à la question de sa propre durée de vie. Olympia implique en effet une réactualisation régulière du logiciel enregistrant les évolutions de l’état du bâtiment et de ses abords. Le studio de David Claerbout s’y est engagé pour les vingt-trois années à venir. « Après, il appartiendra aux propriétaires de l’œuvre de passer commande à un autre studio pour continuer, précise l’artiste. La décision peut être prise n’importe quand. Dans cent ans par exemple, dès lors que les études sur les modifications de la végétation et des matériaux sont correctement faites, et non exagérées comme il m’arrive de le craindre. » Et l’artiste d’ajouter : « Dans un monde virtuel nous dépendons de la mémoire. »

Le choix de Maja Oeri, fondatrice du Schaulager, d’exposer seulement Olympia en 2017 en ces lieux peut paraître court, surtout quand l’institution bâloise a coutume d’organiser de grandes expositions marquantes et prescriptrices. Surtout aussi lorsqu’on sait que d’autres pièces de David Claerbout sont conservées dans les étages. Reste que ce choix et cette exposition en libre accès entendent médiatiser une expérience hors norme.

 

 

David Claerbout : Olympia (the real-time disintegration into ruins of the Berlin Olympic stadium over the course of a thousand years),
jusqu’au 22 octobre, Schaulager, Ruchfeldstrasse 19, Bâle.

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°485 du 22 septembre 2017, avec le titre suivant : Enregistrer l’usure en temps réel

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