Histoire

Paris-7e

En Guyane, l’art des anciens esclaves entretient la mémoire collective

Maison de l’Amérique latine - Jusqu’au 24 septembre 2022

Par Olympe Lemut · L'ŒIL

Le 1 septembre 2022 - 296 mots

Sous le commissariat de Geneviève Wiels et de Thomas Mouzard, la Maison de l’Amérique latine fait revivre l’art des descendants d’esclaves rebelles de Guyane.

Appelés « marrons », sans doute d’après un terme espagnol, ces esclaves arrachés au continent africain se sont enfuis des plantations de canne à sucre au bord du fleuve Maroni « pour s’enfoncer dans la jungle », comme l’explique Geneviève Wiels. La fin du XVIIIe siècle voit se multiplier ces fuites, malgré une répression sanglante documentée par des gravures des années 1790. La transmission orale de ces luttes nourrit aujourd’hui une production artistique intimement liée à l’identité « marrone ». La jungle et son environnement restent bien présents dans les œuvres contemporaines exposées, que ce soit des peignes en bois ornementés, hérités des peignes d’Afrique de l’Ouest, ou les sculptures traditionnelles des communautés « marrones ». Ce sont souvent des bas-reliefs richement décorés de motifs répétitifs. L’artiste Antoine Dinguiou explique que ces motifs transmis au sein des communautés répondent à des règles très précises : « Les courbes doivent respecter la symétrie », chaque entrelac devant faire écho à un autre. Les mêmes règles régissent les tableaux colorés, où la palette assez restreinte reflète la codification de l’univers de la jungle dans la tradition marrone. La jeune génération emploie plutôt la photographie, mais, là encore, la jungle, les arbres et le bois restent omniprésents (photographies de Karl Joseph). Un sous-texte social, voire politique, affleure parfois, comme dans les photographies de Gerno Odang, qui a documenté les émeutes à Cayenne en 2017. Longtemps ignoré, voire stigmatisé, l’art des descendants d’esclaves marrons gagne aujourd’hui en visibilité, accompagnant une redécouverte du passé colonial français. L’exposition réussit à éviter un regard néocolonialiste en laissant une large place aux œuvres et à leur interprétation, tout en éclairant le visiteur sur le contexte historique : c’est une réussite.

« Marronage, l’art de briser ses chaînes »,
Maison de l’Amérique latine, 217, boulevard Saint-Germain, Paris-7e, mal217.org

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°757 du 1 septembre 2022, avec le titre suivant : En Guyane, l’art des anciens esclaves entretient la mémoire collective

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