Archéologie sous-marine

Chasse aux trésors

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 2 août 2007 - 573 mots

Le Grand Palais dévoile les vestiges exhumés par Franck Goddio en Égypte. Une exposition-spectacle qui a des chances de battre des records de fréquentation.

 PARIS - La file d’attente ne diminue pas sur les marches du Grand Palais. L’institution, qui vient d’obtenir le statut d’établissement public, expose depuis décembre les « Trésors engloutis d’Égypte », exhumés par Franck Goddio, président fondateur de l’Institut européen d’archéologie sous-marine, et son équipe. Plus de 200 000 visiteurs sont déjà venus découvrir ce qui se cache derrière un titre pour le moins accrocheur. À l’intérieur, la Nef du Grand Palais tient ses promesses, avec une scénographie spectaculaire, véritable mise en abîme sur fond de musique et bruissements sous-marins, images des fouilles projetées sur grand écran, cimaises noires et éclairage tamisé suggérant le monde obscur de la plongée. Au total, près de 500 pièces (statuaires, stèles, bronzes, bijoux, objets d’or, pièces de céramique…) retracent 1 500 ans d’histoire égyptienne, de 700 avant J.-C. à 800 après , des dernières dynasties pharaoniques aux débuts de l’époque islamique, en passant par les périodes ptolémaïque, romaine et byzantine. La manifestation consacre les dix années de fouilles sous-marines menées dans la baie d’Aboukir et le port d’Alexandrie sous la houlette de Franck Goddio. Personnage pour le moins controversé, cet ancien homme d’affaires, conseiller auprès du gouvernement saoudien, régale les médias autant qu’il exaspère les égyptologues. Il peut en effet énerver, lui qui obtient des subventions nettement supérieures à celles des autres égyptologues français, lui que les autorités égyptiennes accueillent à bras ouverts quand ses confrères peinent à obtenir des autorisations.
Pour couper court aux critiques, Franck Goddio s’est assuré une caution scientifique en la personne de Jean Yoyotte, professeur honoraire au Collège de France. L’éminent égyptologue insiste sur la richesse des découvertes effectuées qui permettent de confirmer certaines théories, notamment sur l’identité de la ville d’Héracléion. Grâce à cette stèle de granit noir (IVe siècle av. J.-C.) retrouvée intacte, il n’est plus permis de douter : Héracléion et Thônis désignent en réalité une seule et même ville. Les fouilles ont aussi apporté des données chiffrées : le port antique d’Alexandrie s’étendrait sur 600 hectares, la ville d’Héracléion, sur plus d’un kilomètre carré, et la partie orientale de Canope retrouvée sous l’eau, sur 25 hectares. Parmi les pièces d’exception, citons la statue colossale du dieu Hâpy (IVe siècle av. J.-C.) ou encore un naos (petite chapelle monolithe) réalisé sous le règne de Nectanebo Ier (380-362 av. J.-C.) et sur lequel est gravé le calendrier égyptien.
Soutenu par la Fondation Hilti – entreprise de machines-outils originaire du Liechtenstein –, Franck Goddio a également obtenu un partenariat avec le Commissariat à l’énergie atomique pour l’utilisation de techniques géophysiques sophistiquées. Estimée à plusieurs millions d’euros, l’exposition, d’abord présentée à Berlin de mai à septembre 2006, pourrait connaître d’autres étapes européennes. L’explorateur souhaite que la collection s’arrime ensuite définitivement en Égypte, dans un musée spécialement conçu à cet effet. Un projet soutenu par Zahi Hawass, secrétaire général du Conseil supérieur des antiquités égyptiennes, qui appelle de ses vœux un musée en partie immergé. Du grand spectacle donc. Pour l’heure, Franck Goddio espère pouvoir poursuivre les opérations de fouilles sous-marines qui, selon lui, n’ont livré qu’une infime partie de ce qui est englouti. L’aventure ne fait que commencer…

TRÉSORS ENGLOUTIS D'EGYPTE

Jusqu’au 16 mars, Nef du Grand Palais, avenue Winston-Churchill, 75008 Paris, www.tresors-engloutis-degypte.fr, tlj 10h-20h et 22h le mercredi. Catalogue, coéd. 5 Continents/Le Seuil, 342 p., 45 euros, ISBN 2-02-091265-1.

TRÉSORS ENGLOUTIS D'EGYPTE

- Commissariat général : Franck Goddio, président fondateur l’Institut européen d’archéologie sous-marine - Muséographie : Martine Thomas-Bourgneuf - Scénographie : Philippe Délis, architecte - Nombre de pièces exposées : 496

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°251 du 19 janvier 2007, avec le titre suivant : Chasse aux trésors

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque